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Avr 27

So what ?

[La certitude du désastre ne permet malheureusement pas d’en fixer le calendrier et ne dispense pas non plus de ne faire que constater sans rien proposer. Cela est inévitable et il faut s’y préparer en essayant d’imaginer la suite, car suite il y aura]-alpha.b

 

 

Fin Mars 2012, Ben Bernanke a donné 4 conférences à la George Washington University School of Business. Elles sont passées quasi inaperçues. Les deux dernières conférences contiennent une multitude de pépites, nous en avons extrait une : « la crise des subprimes est un symptôme, ce n’est pas la cause de la Grande crise financière ».

C’est, à notre connaissance, la première fois que Bernanke  reconnait que le mal est plus profond que celui qui a été  épinglé sous le nom de crise des subprimes, c’est la première fois qu’il accepte de reconnaître que le mal est plus profond. C’était la thèse de tous ceux qui, comme nous, pensent que l’on est dans une crise du cycle du crédit, une crise de surendettement généralisé, la Réserve Fédérale s’y est ralliée. Un texte récent de la Fed de San Francisco le confirme.

Qu’est-ce que cela implique? Cela implique que l’on est validé à faire un lien organique entre ce qui est arrivé au système entier des prêts hypothécaires et ce qui arrive maintenant aux gouvernements.

Le lien, c’est le recours excessif au crédit provoqué par des taux trop bas. Le crédit n’étant pas assez cher, tout le monde en a abusé. Il n’y a pas que les prêts hypothécaires qui se sont retrouvés subprimes, il y a une multitude d’autres prêts qui, eux aussi, se sont retrouvés douteux.

Tous les crédits  qui, de près ou de loin, reposaient sur de faux paradigmes, de fausses certitudes, se sont ainsi révélés irrécouvrables.

Quels sont ces paradigmes, ces illusions? Il y a ceux de la hausse continue des prix du logement, il y a ceux de la convergence des économies européennes, il y a ceux de la poursuite infinie de la croissance,  il y a ceux de la possibilité de maintenir ad vitam aeternam les taux d’intérêt voisins de zéro. Et d’autres qu’il est trop tôt d’évoquer.

Il ne reste de vraiment vivace que la croyance en la possibilité de maintenir les taux nuls  aussi longtemps qu’il faudra, c’est à dire longtemps, très longtemps.

Pour le moment, pour diverses raisons que nous n’expliciterons pas ici, personne ne doute de la possibilité de maintenir les taux très bas. Pourquoi? Parce que Bernanke et la Fed l’ont promis. La croyance ne résulte pas d’une analyse, elle repose sur une promesse. Simplement sur la répétition d’une promesse. Cette promesse gèle d’autant plus l’esprit critique, qu’un autre paradigme est à l’œuvre. Don’t fight the Fed. On ne combat pas la Fed.

Or, il se trouve que lorsque la confiance s’effondre, non seulement les dettes et déficits font boule de neige, mais, en plus, la mer se retire qui laisse découvrir dans toute son ampleur la taille de ce qui était caché par l’eau. Le colossal, ce qui n’est  pas encore à la une des medias, c’est l’éléphant dans la pièce, nous voulons parler de la dette des retraites.

En 2008, la crise des subprimes a été endiguée parce que les gouvernements ont racheté les créances sans valeur détenues par le système financier. Le risque a été transféré et le système a tenu à la faveur de la croyance que les Trésors et les Banques Centrales avaient les moyens de le faire et qu’ils  le referaient si nécessaire.

La dette publique des pays développés s’est trouvée gonflée par, non seulement ces créances pourries, mais aussi par les promesses et garanties données. Et, comme si les rachats de créances et les promesses, les assurances fournies ne suffisaient pas, certains pays ont commencé à prendre à leur compte les dettes de leur système bancaire. Erreur funeste, colossale, dans la mesure où les passifs des secteurs bancaires représentent des multiples et des multiples à la fois des dettes des gouvernements et des richesses nationales.

Alors que, déjà au départ de la crise de 2008, le monde global était en situation de surendettement, la voie de sortie de la crise qui a été choisie a consisté à concentrer les dettes sur les gouvernements.

Ce qui a été fait pour le crédit hypothécaire a été fait pour les banques, certaines assurances, mais on ne s’est pas arrêté en si bon chemin: comme si cela ne suffisait pas, on a décidé d’étendre le processus de concentration des dettes et fait prendre en charge les dettes de certains gouvernements par d’autres gouvernements: ce fut le trait de génie des Européens! Dans les pays européens, la dette publique classique s’augmente implicitement de la dette des banques, de la dette des voisins en difficulté, en attendant la dette des systèmes de retraites et autres.

Qui s’étonnerait que face à une telle succession d’erreurs, les créanciers du monde entier aient peur?

Ils en sont à évaluer, le mot juste serait réévaluer, les engagements implicites et explicites de tous les gouvernements. Le transfert et la concentration des dettes sur les gouvernements augmente considérablement leurs engagements et fait se poser la question.  Peuvent-ils faire face en cas de problème?

On en est maintenant à mettre en doute, de façon justifiée, la solvabilité de pays auparavant considérés comme sans risque, simplement parce qu’ils ont des secteurs bancaires outrageusement exposés, gonflés, et parce qu’ils sont tenus par la solidarité à l’égard de leurs voisins. Suivez mon regard pour voir qui, en Europe, se trouve dans cette situation, menacé par la taille de ses banques et par la masse des promesses faites pour sauver les voisins. Vous pensez à la France? Pensez également aux Pays Bas et à l’Autriche… et à l’Allemagne dont le système bancaire a servi de dépotoir au monde entier.

Les chiffres sont effrayants.

Dans la voie qui a été choisie, il y a un élément supplémentaire qui a été négligé. On a négligé la transitivité qui s’enclenche entre le crédit et l’économie. Pendant les années, les longues années d’expansion du crédit, l’économie s’est déformée, pervertie, de plus en plus de secteurs ont dû leur prospérité au crédit, en sont devenus dépendants. Ce qui signifie que, si maintenant les gouvernements des pays vulnérables essaient d’imposer l’austérité chez eux, c’est toute une part de cette économie artificielle qui s’effondre. Ce qui renforce le problème de la dette. La transitivité dans la phase d’expansion de la dette est euphorisante ; dans la phase de reflux, elle est destructrice.

Quelle est la prochaine étape? Réfléchissez. Quels sont les agents économiques, les institutions, qui sont capables, ont la possibilité, d’augmenter leur leverage, de gonfler leur bilan, d’émettre des promesses? Les Banques Centrales bien sûr. Quand la quasi monnaie, c’est à dire la dette émise par les gouvernements sera insuffisamment demandée, et cela a déjà commencé,  il faudra trouver un autre émetteur et ce sera, ce seront les Banques Centrales.

BRUNO BERTEZ L E 26 Avril2012 

http://leblogalupus.com/2012/04/27/les-clefs-pour-comprendre-du-27-avril-2012-autopsie-dun-desastre-par-bruno-bertez/#more-39052

 

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