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Avr 21

Quelle surprise !

C’est un cri d’alarme que lance Olivier Favereau, professeur de sciences économiques à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense : l’entreprise est sous le coup d’une grande déformation.

En cause la financiarisation des entreprises à partir des années 1980, qui a fait exploser les inégalités ainsi que la défiance à l’égard de l’entreprise.

« Hier source de progrès technique et économique, autant que de promotion sociale, la grande entreprise est aujourd’hui perçue comme un instrument financier au seul service des actionnaires, une source d’insécurité professionnelle pour les salariés, un pouvoir privé organisant la compétition entre Etats, et, dans certains cas que l’on aimerait croire exceptionnels, le lieu d’un management destructeur de la santé physique et psychique des personnels ».

Des pratiques stabilisées

L’ouvrage est le fruit d’un travail de trente mois au département Economie, homme, société, du pôle de recherche du Collège des Bernardins, à Paris, qu’Olivier Favereau codirige.

 Si l’équipe de recherche multidisciplinaire pointe du doigt la mondialisation des échanges et des capitaux, la déformation des entreprises a été « accompagnée, facilitée, accélérée, voire exacerbée par des idées : en l’occurrence, une conception réductrice et infondée, aussi bien juridique qu’économique, de la propriété de l’entreprise ».

Primauté de l’actionnaire irresponsable sur toute autre partie prenante de l’entreprise, alignement de l’intérêt des dirigeants sur ceux des actionnaires, méconnaissance de l’entreprise comme collectif… l’ouvrage fournit un panorama des thèses, aujourd’hui dominantes, qui ont façonné la grande déformation.

Car « il serait naïf de croire que l’on pourrait corriger ces pratiques aussi stabilisées, sans changer les idées qui leur apportent sens et justification. »

Force de propositions

Critique, l’ouvrage se veut aussi source de propositions, afin de rééquilibrer le pouvoir au sein des entreprises. Olivier Faverau propose de retrouver le sens du travail en entreprise en mettant l’accent sur la coopération, « au lieu de réduire la performance collective à une somme de performances individuelles ».

Pour restaurer la mission du chef d’entreprise, il propose d’intégrer dans l’objet social de la société de capitaux des éléments sur les objectifs économiques et sociaux visés par l’entreprise, ou encore de supprimer les systèmes menaçant les neutralités des dirigeants comme les systèmes d’alignement des dirigeants sur les actionnaires type « stock-option ».

L’ouvrage invite le lecteur à une double réflexion : prendre acte des conséquences de la financiarisation des entreprises, mais aussi prendre conscience que « le phénomène de la grande déformation implique le politique ». En sortir impliquera, en retour, une transformation politique.

Entreprises : la grande déformation, d’Olivier Favereau (Collège des Bernardins, Parole et Silence, 155 pages, 15 euros).

  • Extraits d’un article de Margherita Nasi  Journaliste au Monde

 

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