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Oct 04

Les méchants

 

C’est qui les méchants?

 Quand tout se déglingue, quand les choses tournent mal comme c’est le cas pour le moment les foules cherchent les responsables. Internet regorge de blogs et d’articles dénonçant l’apathie de nos politiques, la cruauté du FMI qui saigne les états, la responsabilité des traders, des banques et de la bourse qui ont joué avec nos économies.

 On trouve une foule d’analystes ricanant de la débâcle actuelle, prévisible, évidente de l’Europe qui n’aurait jamais du faire ceci ou cela. Les riches bien sûr ne sont pas épargnés, qui s’enrichissent sur le dos des pauvres gens, qui payent si peu d’impôt.

 L’analyse ne serait-elle pas trop facile ? Loin de moi l’idée de disculper de quelques manières que ce soit les puissants pointés par ces analyses. Mais il me semble regrettable que si peu de voix s’élèvent pour reconnaître notre égarement à tous, notre complicité dans la débâcle qui ne fait que commencer.

 Quoi ? Moi complice de la crise financière ? De la chute des valeurs boursières ? De l’endettement de la Grèce ? De la montée des prix du pétrole ? Qu’y puis-je ?

Toute cette actualité n’est que la partie émergente de l’iceberg. C’est bien un mode de vie, un projet de société auquel nous participons tous qui en est responsable. Ce mode de consommation enclenché après la guerre nous a tous rendus fous. C’est cette avidité communément partagée qui a pressé la planète comme un citron pour en extraire une pluie de gadgets inutiles, qui a provoqué l’emballement de notre économie et la formation de bulles.

 La démocratie c’est le pouvoir du peuple. Qu’avons-nous fait de ce pouvoir ? Aurions-nous voté pour des partis refusant l’accroissement continuel du matériel ? Avons-nous utilisé la liberté de paroles pour dénoncer, pour proposer un autre modèle ?  Avons-nous réfléchi à notre responsabilité de consommateur ? Avons-nous été responsables dans le choix de notre banque, de nos produits, etc. Avons-nous mesuré notre participation à ce système économique délirant dans nos choix de boulots ? Avons-nous renoncé à toutes ces innovations consécutives censées nous apporter le bonheur ?

J’enfreins bien sûr un dogme implicite : «surtout ne pas culpabiliser les gens, ce serait un retour en arrière, aux heures sombres de l’inquisition». La publicité nous la si bien appris : le droit au plaisir, le droit à ne pas culpabiliser, le droit de profiter, le droit à se faire du bien…

 Il est plus simple d’incriminer les plus riches tellement leur responsabilité est évidente mais avons-nous réfléchi au fait que nous sommes nous mêmes les riches des plus pauvres de cette planète (facilement 80% de la population mondiale). La crise, dans les pays les plus pauvres, est permanente depuis plusieurs siècles. Qu’avons-nous fait ? Ces pauvres qui fabriquent nos gadgets pour des salaires de misères : ne peuvent-ils pas eux aussi nous dénoncer ? S’indigner de notre manque de solidarité depuis des années ?

 Une aube est possible, un changement est certainement en cours. Mais il n’y aura pas de basculement complet tant que cette prise de conscience de notre responsabilité collective n’aura pas lieu. Alors nous pourrons cesser de nous lamenter, de ricaner, de nous indigner, de nous scandaliser pour construire ensemble un modèle sur d’autres bases.

 

Matthieu Peltier  Philosophe

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