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Avr 13

Hors cadres

[Même si l’on vote ce que l’on veut, deux commentaires qui montrent bien que nôtre monde s’éffondre et que le passé ne va plus éclairer le futur. Par ailleurs, et nous le savons depuis 1900 (Deteuf) jamais un phare n’a pu conduire une voiture]-alpha.b

 

Il n’y a pas que des petits patrons iconoclastes à vouloir voter Mélenchon. Figurez-vous que parmi ceux prêts à leur embrayer le pas se trouvent aussi quelques cadres, hauts ou moyennement placés, mais écœurés par le monde du travail tel qu’il est aujourd’hui pratiqué.

Dans le Nouvel Observateur, François Kahn, cadre genre supérieur, qui se présente comme un « ancien libéral » aux revenus plutôt cossus, n’en peut plus. Ancien d’HEC, il votera pour le candidat du Front de Gauche :

« [Ma] radicale conversion à l’antilibéralisme économique n’est pas le fruit d’un endoctrinement idéologique ou d’une recherche d’iconoclasme bobo-isant. C’est la fréquentation du monde du travail à son plus haut niveau, celui des cadres de direction générale, c’est l’expérience intime de ce qui se passe à la tête des entreprises modernes qui explique ma conversion à cet antilibéralisme. »

Dévalorisation et humiliation des esprits

Dévalorisation systématique des capacités intellectuelles dans le travail, destruction et valorisation systématique des tâches les plus formelles et superficielles, les moins approfondies, les moins créatives, la charge de François Kahn est impitoyable.

De cette pression managériale impitoyable à l’hécatombe qu’elle entraîne en terme de stress, arrêts maladie pour surmenage (le fameux « burn out » des cadres), humiliante crise de larmes et dépressions, ou du formatage stérilisant des esprits et de tâches, notre cadre révolté ne veut plus :

« Il s’agit d’abord de retrouver l’ambition, l’envie, et le temps de penser, et pour cela, de s’affranchir de l’hystérie du moment présent, du diktat de l’urgence qui finit par démotiver à force de contraindre au bâclage, et de niveler la pensée par le bas. Redonnons du sens à ce que l’on fait, pour ne plus avoir le sentiment de participer à une vaine fuite en avant, mais plutôt de participer à un véritable projet commun, plus constructif et plus qualitatif. »

Mais alors pourquoi le brûlot Mélenchon plutôt que le prudent Hollande ? François Hollande, juge François Kahn, est un représentant du modèle libéral maquillé sous un vague « souci de protection sociale ».

Mélenchon et son « humain d’abord » lui paraît désormais plus à même de « retrouver la maîtrise de notre avenir plutôt que de le laisser entre les mains des Attila du néo-libéralisme et de la finance spéculative ».

La dictature des contrôleurs de gestion

« Cadres » au pluriel, est-il écrit dans le titre. Ne cherchons pas plus loin un deuxième exemple. C’est moi qui m’y colle. Je suis cadre tendance moyenne dans une grande entreprise d’édition, branche manuels scolaires. La pression y est beaucoup plus bonasse que dans le monde féroce de François Kahn.

Mais aussi de plus en plus débilitante. Peu à peu, les éditeurs ont été remplacés aux postes de commande par ces inspecteurs des travaux finis que sont les contrôleurs de gestion.

Du coup, on y tient plus de réunions sur les budgets (entendez, sur les moyens de dégager des marges à deux chiffres) que sur la conception des ouvrages. On s’y montre plus en quête de réduction de coûts que d’amélioration des qualités éditoriales.

Un contrôle de gestion au service de « l’humain d’abord »

Cela ne va pas sans quelques drolatiques fiascos. Qu’une révolution impromptue survienne – celle du numérique dans les établissements scolaires, par exemple – et l’on voit que nos contrôleurs sourcilleux, mais entrepreneurs d’occasion, ne contrôlent plus rien, allant d’investissements à côté de la plaque en décisions cul-de-sac.

D’ici quelques mois, votre serviteur et quelques collègues feront valoir leur droit à une retraite d’autant plus méritée que ces dépeceurs leur ont déjà signifié qu’ils ne seraient pas remplacés. C’est dire l’utilité de notre travail à leurs yeux. En dix ans, l’effectif de notre service, pourtant hautement rentable, aura fondu de plus de moitié.

Leurs « temps modernes », la crise de la « Grande perdition » est en train de l’emporter par le fond et c’est très bien ainsi ! Qu’ils s’en aillent tous ! Je ne sais si la candidature de Mélenchon créera la surprise aux soirs des 22 avril et des 6 mai. Je ne sais si Mélenchon et son équipe se montreront à la hauteur du programme qu’ils impulsent.

Mais en votant pour ce programme, je veux au moins participer à populariser une vision du monde enfin en rupture avec celle de l’univers émasculant d’aujourd’hui, à enraciner dans les esprits la possibilité d’un avenir où le contrôle de gestion serait exclusivement au service de « l’humain d’abord », et non de leur crétin de tiroir-caisse.

 
 

 

 
 
 
 
 
 

 

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