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Juil 04

Debout les morts

Ce que je pense qui arrive, c’est que la vie des Européens est devenue trop confortable.

Oui, ils ont connu des difficultés pendant les deux guerres mondiales, mais ce n’était rien comparé à ce que beaucoup d’autres nations ont traversé, la Russie et la Chine en particulier.

Quand la vie est un combat, l’expérience est vive, les joies simples sont profondément ressenties, les choix intelligents sont essentiels à la survie et les actes d’héroïsme sont à la fois nécessaires et valorisés.

Quand la vie est confortable, les gens deviennent rassasiés et difficiles à satisfaire, les goûts deviennent décadents et éphémères, les questions de sécurité sont repoussées vers des spécialistes et les gestes spontanés d’héroïsme individuel et de bravoure deviennent des symptômes d’inadaptation sociale.

La sécurité ne peut être garantie partout et en tout temps : des accidents se produisent. Puisque vous n’êtes plus responsable d’assurer votre propre sécurité – c’est maintenant le travail de professionnels rémunérés – vous ne pouvez pas vous blâmer pour vos erreurs.

Affirmer que la moitié de la population est victime de sa stupidité ne résout pas exactement le problème : une telle surabondance de victimes creuse la promesse du confort universel. Le problème ne se pose pas non plus en imposant un système de méritocratie universelle fondé sur les droits individuels : l’intelligent fera mieux que l’inintelligent, ce qui causera à celui-ci un inconfort considérable.

La solution est de prendre du recul par rapport au principe de la méritocratie. Plutôt que de garantir l’égalité des droits et des chances sur la base des capacités et des performances, nous recherchons l’égalité des résultats : chacun reçoit un prix de participation et un peu d’argent en étant obéissant et poli, le prix et la somme soigneusement calibrée basés sur son niveau de victimisation.

C’est ce qu’on appelle parfois « équité. Aujourd’hui, c’est étrangement dénommé « justice sociale », comme s’il n’y en avait jamais eu d’autre.

Ces conditions peuvent sembler fortement négatives, mais du côté positif, ce type de personne vit la plupart du temps sans être exposée au danger. Un demi-milliard de personnes vivent maintenant, sans se mettre en danger les uns les autres, une petite péninsule, excroissance de l’Eurasie occidentale et qui, jusqu’à récemment, était le théâtre d’un conflit armé sans fin.

Les Européens ont dompté leur propre nature médiévale, mais elle est maintenant réimportée. Le nouvel homme occidental émasculé n’est pas capable de riposter contre cela ; ses gouvernements, dont les dirigeants sont forcés de respecter les mêmes codes culturels de tolérance, de politiquement correct et de bonté obligatoire, ne peuvent pas non plus le faire.

Mais l’homme d’Europe de l’Est, seulement temporairement effrayé à l’idée d’agir de manière tolérante et émasculée, ne supportera plus rien de tout cela beaucoup plus longtemps. Sa nature médiévale est encore assez proche de la surface, alors que ses voisins occidentaux ont placé la leur dans les musées et autres pièges à touristes.

Si l’on regarde la situation à partir de l’Est, de la Russie européenne et du reste de la masse continentale eurasienne, il y a un sentiment perceptible de tristesse à regarder l’Europe mourir. Une grande partie de l’histoire humaine est sur le point d’être piétinée et dépouillée.

Ayant passé les dernières décennies à ressusciter la chrétienté orientale après les dommages causés par les barbares bolcheviques, ils observent avec effroi les reliques et les ruines de la chrétienté occidentale submergées par une nouvelle vague barbare.

Les habitants de l’Europe de l’Ouest ne valent plus grand-chose, mais ils sont toujours précieux en tant qu’assistants de musées et guides touristiques.

Il y a 150 ans, Dostoïevski a déclaré que l’Europe était en train de devenir un musée, quand il a écrit cela :

« … Je veux voyager en Europe, et je le ferai. Bien sûr, je sais que je ne vais visiter qu’un cimetière. Mais alors quoi ? Les cadavres qui y reposent sont précieux ; chaque pierre tombale raconte l’histoire d’une grande vie, d’une croyance passionnée en l’héroïsme, de sa propre vérité, de sa propre lutte. Je sais déjà que je vais tomber par terre et baiser ces pierres, et les pleurer, même si je suis convaincu de tout mon cœur que tout cela s’est transformé en cimetière il y a longtemps, rien de plus. »

Extraits d’un article de Dmitry Orlov        Le blog a Lupus

 

 

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