Le complotisme est la maladie infantile de la réinformation : face à l’information officielle qui s’apparente si souvent à de la désinformation, un mouvement de balancier inverse fait chercher la vérité là où l’on sait qu’elle n’est pas, en dehors des médias officiels.
Or, dans ce no man’s land intellectuel on trouve le meilleur, de véritables informations, et le pire, des désinformations majeures, des théories farfelues, des idéologies dangereuses, criminelles, des opinions illégales (négationnisme, révisionnisme, antisémitisme…), des fausses nouvelles massivement diffusées par des États qui inondent la planète de contre-informations avec leurs hackers d’État -russes, chinois, turcs, américains, européens…- dont la journée consiste à faire circuler leurs virus idéologiques étatiques.
Le complotisme est souvent le délire de qui a compris qu’on ne pouvait plus croire les médias dominants. Car le quidam sait qu’on y distribue à jet continu les éléments de langage de l’idéologie au pouvoir donc il cherche ailleurs le sens qu’on ne lui donne plus. Et, là où il cherche à comprendre, des vendeurs de mythes placent leurs marchandises frelatées: les complots.
Que le petit peuple des gilets-jaunes ignore les détails de ces machines de pouvoir, c’est une chose; mais qu’il en suppose l’existence par les effets induits qui sont ceux de la propagande d’État diffusée complaisamment par les médias d’État, il n’y a là rien que de très normal.
La maladie complotiste a été inoculée par les médias menteurs. Nietzsche écrivait: « Ce qui me gêne ça n’est pas que tu m’aies menti, c’est que désormais je ne pourrais plus te croire ». Un complotiste ne croit plus les menteurs qui prétendent l’informer et qui, sous prétexte de séparer l’info de l’intox, intoxiquent avec leurs infos: il a raison; mais il se tourne vers n’importe qui pour trouver de véritables informations et du sens là même où se trouvent d’autres menteurs du même acabit: il a tort.
Réfléchir et penser par soi-même suffit: les faits parlent d’eux-mêmes et la meilleure hygiène suppose qu’on passe outre le commentaire du journaliste qui est l’ivraie afin de faire la part du bon grain des faits.
La maladresse d’un gilet-jaune complotiste qui s’essaie à penser par lui-même dans la jungle cynique de l’information où l’idéologie fait la loi me parait plus compréhensible que le cynisme du pouvoir qui connait le poids des mots et en fait une arme de domination massive sur les dominés.
Michel Onfray
Commentaires récents