J’aurai voulu l’écrire !
Monsieur le “Président d’honneur de la Société Générale”
J’ai lu votre lettre à VGE du 11 février dernier, publiée dans la presse, et elle a retenu toute mon attention.
En introduction, je m’étonne incidemment que vous interveniez sur un tel sujet avec un papier à en-tête “Président d’honneur de la SG”, je ne vois pas trop ce que votre ancienne entreprise a à voir avec ce sujet – et une correction élémentaire eût voulu que vous ne risquiez pas d’entacher l’image de la SG avec de telles paroles, “éthique, quand tu nous tiens…”. Je ne relèverai pas trop longuement le mot Honneur placardé dans ce courrier, il faut peut-être croire que, comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale.
Sur le fond, comment dire sans être injurieux… Votre volonté de vouloir punir les français pour l’incompétence de ses élites m’a pour le moins laissé sans voix. Il est vrai qu’il est sans doute plus aisé de s’attaquer à un des joyaux du patrimoine qu’entamer une autocritique personnelle et sur ce que j’appellerais ”sa classe”, mais bon, vous n’êtes pas non plus “Président du Courage”. Je suis donc heureux de vous y aider en ce jour.
Ancien conseiller technique au cabinet du ministre du Budget Maurice Papon (sic.), vous avez été directeur de cabinet d’Alain Juppé, ministre délégué au Budget de 1986 à 1988. Vos 3 budgets :
- 1986 : Croissance 2,3 % ; déficit 42 Md€ (valeur 2010) ;
- 1987 : Croissance 2,4 % ; déficit 46 Md€ (valeur 2010) ;
- 1988 : Croissance 4,7 % ; déficit 49 Md€ (valeur 2010) ;
Total : 137 Md€
À la fin de la cohabitation, vous êtes resté à Bercy, comme directeur du Budget jusqu’en 1991. Vos 3 autres budgets :
- 1989 : Croissance 4,2 % ; déficit 53 Md€ (valeur 2010) ;
- 1990 : Croissance 2,6 % ; déficit 57 Md€ (valeur 2010) ;
- 1991 : Croissance 1,0 % ; déficit 58 Md€ (valeur 2010) ;
Total : 168 Md€
Bilan du brillant inspecteur des finances que vous êtes : plus de 300 Milliards d’euros de dette, hors intérêts – chapeau bas…
Fort de ce brillant résultat, vous êtes allé diriger la Société Générale. Dois-je vraiment développer ? Dois-je rappeler son état actuel ? Sans même parler par décence de l’évolution de l’action…
Bien entendu, l’affaire Kerviel restera votre fait de gloire. Rappelons le rapport d’enquête interne de votre propre banque, qui a indiqué :
- qu’il n’existait « pas de contrôle sur les transactions annulées ou modifiées, ni sur les transactions à départ différé, ni sur les transactions avec des contreparties techniques, ni sur les nominaux élevés en position, ni sur les flux non transactionnels en cours de mois, autant d’analyses qui auraient probablement permis d’identifier la fraude » ;
- que différents services de la banque avaient déclenché « sur le périmètre de JK » (Jérôme Kerviel), 2 alertes en 2006 et 46 en 2007, sans que ces alertes n’entraînent de quelconques réactions de la hiérarchie.
On voit vraiment que la sécurité de votre entreprise était votre priorité. Tiens, c’est comme les 11,9 Md$ que la SG aurait perdus si AIG n’avait pas été renflouée par le contribuable américain…
Après avoir touché encore 5 M€ en 2007, vous levez 1,3 M€ de stock-options fin 2008, en pleine crise financière mondiale. Scandale. Pas grave, vous tentez de vous faire attribuer encore 1,7 M€ de stock-options en 2009, avant d’y renoncer sous une incroyable pression politique.
Vous vous décidez enfin à partir en avril 2009.
Quand vous partirez à la retraite, vous toucherez 730 000 € de retraite à vie, essentiellement financée par la SG.
“Président d’Honneur”, arf…
Au fait, il conviendrait de corriger votre fiche Wikipédia, qui indique : “En septembre 2009, Daniel Bouton crée sa propre société de conseil, DMJB Conseil, dont il détient l’intégralité du capital. Cette société de services, à vocation européenne, souhaite profiter de la renommée de Daniel Bouton dans la communauté financière, y compris à l’étranger. ”
Ça pour être renommé, vous êtes renommé – ces frasques ont dû faire rire jusqu’aux papous de Nouvelle-Guinée… En tous cas, le jour où je veux couler une entreprise, je penserai à DMJB Conseil, promis – je vous mettrai toutefois en concurrence avec Alain Minc Conseil et Daffy Duck Conseil.
Mais pour conclure, j’ai du coup une meilleure idée. Gardons l’Hôtel de la Marine, et comme ce n’est pas tant le peuple qui a été cigale, que ses dirigeants et élites qui ont été d’une incompétence et d’une irresponsabilité crasses, il me semblerait bien qu’on vous prive de votre retraite chapeau, et qu’on saisisse, au moins pour quelques temps (le temps d’y voir clair sur la situation de cette banque) la plupart de vos biens, “mal acquis” au vu de la situation réelle de la plupart des banques.
Je me permets de “souligner la vertu pédagogique d’une proposition reconnaissant la nécessité” pour des dirigeants qui ont été beaucoup trop cupides “de se priver pendant plusieurs décennies de certains de leurs immeubles”, cela participera à l’édification morale des suivants.
Qu’en pensez-vous ?
Je termine par cette pensée personnelle : “Les PDG de Banque osent tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît.”
Olivier Berruyer, Président d’Honneur du blog www.les-crises.fr.
P.S. Et encore, je ne relève même pas le fait que je fais partie de la “hélas génération suivante” – puisque j’ai bien entendu la ferme intention de NE PAS rembourser les dettes de VOTRE génération. Comme aurait aussi pu le dire Jean de la fontaine : “Vous avez emprunté, M. Bouton, j’en suis fort aise, et bien remboursez maintenant.”
© Chappatte
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