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Mar 01

Social-démocratie

 

Le monde politique s’est choisi dans les années 80 l’économie comme principal instrument de mesure de son action. L’économie de marché a été promue au rang de modèle et d’horizon insurpassable pour l’ensemble de l’humanité. L’État n’a plus de vision, la politique s’est fondue avec l’univers de la gestion et le pays a été considéré comme une simple entreprise.

Nous ne vivons plus dans un monde démocratique et encore moins dans un monde social. Au choix politique exprimé par les citoyens se substituent les groupes de pressions qui ne représentent que leurs intérêts particuliers, la démocratie disparait au profit d’une décision fondée sur le chantage et les rapports de force. L’Europe ajoute une couche supplémentaire où la dilution et la distance permettent aux lobbys de s’exprimer pleinement. La dimension sociale n’apparait plus dans le discours politique que pour expliquer pourquoi celle-ci est vouée à disparaitre au nom d’une bonne gestion.

 Ce climat plus que favorable pour le capital a été le point de départ de l’élévation de la norme de profit. Avec le développement du crédit et de l’économie financière, elle a atteint des sommets, se propageant sous forme de  contraintes à l’ensemble de l’économie. Les gains de productivité sont accaparés par le seul capital tandis que le travail restant s’exporte peu à peu vers des cieux plus cléments. En favorisant systématiquement l’accumulation, le pouvoir politique est rentré en concurrence avec le pouvoir de l’argent, il a peu à peu perdu ses moyens d’action et se retrouve menacé de tout côté : par les alternances répétées voulues par des citoyens excédés et par la montée des extrêmes.

La relation salariés – entreprises se dégrade d’année en année parce que le travail se fait rare. Paul Jorion évoque souvent le travail qui disparait, pourtant cette disparition n’a rien d’inéluctable. On voit dans les anciens pays du bloc de l’Est, en l’absence d’allocations chômage, des activités de service employant une multitude de personnes, voire des métiers que l’on croyait disparus comme pompistes.

 En Allemagne, les lois Hartz ont montré qu’il y avait une demande pour des emplois additionnels dans les services. En fait, dans une multitude d’activités, l’automation ne s’impose pas car il y a n’a pas ou peu d’alternatives, et donc pas de problèmes de compétitivité.

 Bien sûr, il importe que ces emplois soient décemment payés, ce qui n’est pas le cas puisque les salariés ont intégré ce rapport de force en leur défaveur et certains gouvernements utilisent ces emplois comme variables d’ajustement. Dans l’industrie, des transports bon marché permettent aux entreprises d’exporter le travail à bon compte puisque la réimportation des composants ou de produits finis ne coûtent pratiquement rien.  L’économie réelle maintient une norme de profit élevée à bon compte.

Le divorce du couple monde économique – monde politique n’a rien d’une évidence. Personne ne peut empêcher les élites formées dans les mêmes écoles et souvent originaires des mêmes milieux de se côtoyer. Le rééquilibrage du rapport de force doit d’abord venir d’une volonté politique.

Le plus difficile reste pourtant le rétablissement d’une vision politique de long terme qui ramènerait l’économie à sa juste place, celle d’une économie positive généralisée. Restreindre les débats en cours sur la compétitivité ou les retraites à une simple question de coûts, de financement et d’équilibre budgétaire ne peut tenir lieu de vision politique et démontre au contraire cette absence de réflexion et de perspectives. Tant que le seul futur qui préoccupera le monde politique sera celui de l’équilibre budgétaire et le maintien d’un environnement économique favorable, l’Europe sera condamnée à l’échec

Enumérer les conditions nécessaires à ce rééquilibrage permet de mesurer combien le rétablissement d’une vraie social-démocratie est difficile. Cette position extrémiste est pourtant la mienne, je pense que cette voie étroite est le vrai rempart de la démocratie.

 Un déséquilibre majeur entre les acteurs ne peut subsister dans le temps : ou bien il explosera dans une crise majeure dont nous n’avons vu que les prémisses, ou bien les choses seront maintenues en l’état par la force. Ce discours de gestion qui est devenue la norme politique actuelle a rendu le personnel politique autiste et il n’est pas sûr que les élections italiennes lui servent de leçon.

 Au train où vont les choses, l’arrivée au pouvoir des extrêmes dans un ou plusieurs pays d’Europe n’est plus une question de probabilité mais une question de temps.

Extraits  d’un article de Michel Leis « comment je suis devenu un social-démocrate extrémiste » sur le blog de Paul Jorion   www.pauljorion.com

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