«

»

Nov 01

Nihil novi sub sole II : Dangers

A quelle époque la société disparaîtra−t−elle ? Quels accidents en pourront suspendre les mouvements ?

Pour ne toucher qu’un point entre mille, la propriété, par exemple, restera−t−elle distribuée comme elle l’est ? La royauté née à Reims avait pu faire aller cette propriété en en tempérant la rigueur par la diffusion des lois morales, comme elle avait changé l’humanité en charité.

Un Etat politique où des individus ont des millions de revenu, tandis que d’autres individus meurent de faim, peut−il subsister quand la religion n’est plus là avec ses espérances hors de ce monde pour expliquer le sacrifice

Celui−là voit mûrir ses nombreux sillons ; celui−ci ne possédera que les six pieds de terre prêtés à sa tombe par son pays natal. Or, combien six pieds de terre peuvent−ils fournir d’épis de blé à un mort ?

A mesure que l’instruction descend dans ces classes inférieures, celles−ci découvrent la plaie secrète qui ronge l’ordre social irréligieux.

La trop grande disproportion des conditions et des fortunes a pu se supporter tant qu’elle a été cachée, mais aussitôt que cette disproportion a été généralement aperçue, le coup mortel a été porté.

Essayez de persuader au pauvre, lorsqu’il saura bien lire et ne croira plus, lorsqu’il possédera la même instruction que vous, essayez de lui persuader qu’il doit se soumettre à toutes les privations, tandis que son voisin possède mille fois le superflu : pour dernière ressource il vous le faudra tuer.

Quand la vapeur sera perfectionnée, quand, unie au télégraphe et aux chemins de fer, elle aura fait disparaître les distances, ce ne seront plus seulement les marchandises qui voyageront, mais encore les idées rendues à l’usage de leurs ailes.

Quand les barrières fiscales et commerciales auront été abolies entre les divers Etats, comme elles le sont déjà entre les provinces d’un même Etat ; quand les différents pays en relations journalières tendront à l’unité des peuples, comment ressusciterez−vous l’ancien mode de séparation ?

La société, d’un autre côté, n’est pas moins menacée par l’expansion de l’intelligence qu’elle ne l’est par le développement de la nature brute. Supposez les bras condamnés au repos en raison de la multiplicité et de la variété des machines, : que ferez−vous du genre humain désoccupé ?

Que ferez−vous des passions oisives en même temps que l’intelligence ? La vigueur du corps s’entretient par l’occupation physique ; le labeur cessant, la force disparaît ;

Ainsi la liberté ne se conserve que par le travail, parce que le travail produit la force : retirez la malédiction prononcée contre les fils d’Adam, et ils périront dans la servitude : La malédiction divine entre donc dans le mystère de notre sort ; l’homme est moins l’esclave de ses sueurs que de ses pensées :

Voilà comme, après avoir fait le tour de la société, après avoir passé par les diverses civilisations, après avoir supposé des perfectionnements inconnus on se retrouve au point de départ en présence des vérités de l’Ecriture.

Chateaubriand : Mémoires d’outre-tombe

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *