La menace la plus inquiétante à laquelle nous devons faire face est la paralysie et la déconstruction d’institutions comme les tribunaux, les universités, les instances législatives, les organisations culturelles et la presse qui, par le passé, permettaient que le débat public soit enraciné dans la réalité, basé sur les faits, nous aidaient à distinguer le mensonge de la vérité et, en cela, contribuaient à maintenir une certaine équité.
Le mensonge permanent n’est pas encadré par la réalité. Il se perpétue même quand des faits avérés le contredisent. Il est irrationnel. Ceux qui parlent le langage de la vérité et des faits sont attaqués en tant que menteurs, traîtres et colporteurs de « fausses nouvelles ». Ils sont bannis de la sphère publique une fois que les élites totalitaires acquièrent un pouvoir suffisant, un pouvoir qui leur est maintenant accordé avec la fin de la neutralité du net.
« Substituer constamment et complètement la réalité par le mensonge n’a pas pour conséquence de faire passer le mensonge pour la vérité, ni de calomnier la vérité en la faisant passer pour du mensonge, mais de détruire les sens auxquels nous faisons appel pour nous repérer dans le monde réel, en particulier le processus cognitif de distinction du vrai et du faux »,
Le mensonge permanent est l’apothéose du totalitarisme. Ce qui est vrai n’a plus d’importance. Ce qui compte, c’est ce qui est « correct « Lorsque la réalité est remplacée par les caprices de l’opinion et de l’opportunisme, ce qui est vrai un jour devient souvent faux le lendemain. On se débarrasse de la cohérence. La complexité, la nuance, la profondeur et le recul sont remplacés par la croyance du naïf dans les menaces et dans la force.
Les élites entrepreneuriales ne respectent plus aucune règle, elles rédigent des lois, des règlements et des amendements pour étendre le pillage et accroître leur butin, tout en contraignant les gens à s’endetter. Ils exigent que nous recherchions la justice dans un système conçu pour perpétuer l’injustice. C’est un jeu que nous ne pourrons jamais gagner.
« Ainsi, toute notre dignité réside dans la pensée », écrit Pascal. « C’est sur la pensée que nous devons miser pour nous relever, et non sur l’espace et le temps, que nous ne pourrions jamais combler. Efforçons-nous donc de bien penser ; c’est le principe de base de la vertu ».
Nous devons opposer le pouvoir au pouvoir. Nous devons bâtir des institutions et des organisations parallèles qui nous protègent des assauts des entreprises et qui résistent à leur emprise. Nous devons nous soustraire autant que possible à l’état vampire. Tout cela devra être fait comme toujours auparavant, en nouant des relations de personnes à personnes.
Peut-être qu’en fin de compte nous ne pourrons pas nous sauver nous-mêmes mais nous pouvons créer des groupes de résistance où la vérité, la beauté, l’empathie et la justice perdurent.
D’après un article de Chris Hedges
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