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Mar 05

Les effets de bord

[Malheureusement même la crise financière (celle de l’euro) n’est pas finie. Mais nous ne sommes pas à une contradiction près et bientôt ils vont nous faire croire que la pomme peut remonter sur l’arbre]-alpha.b

 

 

Jens Weidmann, président de la Bundesbank et à ce titre gouverneur de la BCE, a en effet clairement manifesté – par un courrier à Mario Draghi qui a opportunément fuité – son refus de voir la banque centrale poursuivre sa politique de soutien sans limites aux banques commerciales, illustrant par là même sa crainte que cela puisse se révéler nécessaire.

Jens Weidmann a en effet soudainement découvert que la banque centrale allemande avait fin 2011 une créance envers ses consœurs de plus de 500 milliards d’euros, dont l’origine est simple. Sans rentrer dans les détails, elle résulte de la substitution de l’Eurosystème au marché interbancaire qui ne fonctionne plus : en 2003, selon l’IFO (l’institut d’études économiques allemand), ces créances étaient d’un montant de 5 milliards d’euros. Elles doivent avoir encore augmenté à la suite de nouvelles injections massives de liquidités de la BCE, et vont continuer à le faire.

Les banques commerciales d’un pays donné de la zone euro se finançant sans limites auprès de leur banque centrale nationale, celle-ci enregistre ses créances auprès de sa consœur du pays d’où sont importés des biens et des services grâce à ses crédits. Le cumul net de ces créances a abouti aux montants évoqués dans les livres de la Bundesbank, soit 20 % de son PIB, tout simplement parce que l’Allemagne est le principal exportateur net au sein du marché européen.

Mais le problème qui est posé par le président de la Bundesbank est la qualité des collatéraux qui sont apportés par les banques privées aux banques centrales nationales, qui en dernière instance garantissent à leur tour les créances de la Bundesbank… Si celles-ci ne pouvaient en cas de malheur remplir leur fonction, il ne resterait plus à la banque centrale allemande qu’à enregistrer des pertes.

La meilleure solution serait de loin de réparer le marché interbancaire et pour cela le système bancaire européen, mais c’est hors de question. Une autre possibilité – évoquée par les économistes qui préfèrent également l’ignorer – serait que l’Allemagne s’appuie d’avantage sur son marché intérieur pour assurer sa croissance, mais ce n’est pas non plus le chemin qu’elle emprunte.

Il ne lui reste alors qu’à agir sur les effets et non les causes, ne voulant pas non plus de la solidarité financière qui est indissociable au sein d’une union monétaire qui lui est profitable pour assurer la pérennité de ses exportations. Inutile de s’interroger, dans ces conditions, sur l’origine du miracle allemand et la possibilité de le reproduire…

Les autorités allemandes ont en tête une toute autre solution, au cas où la BCE devrait poursuivre la politique qu’elle a engagée, par exemple si la croissance devant résulter du développement du crédit bancaire n’était pas au rendez-vous, ou si les banques se révélaient incapables de la rembourser de 1.000 milliards d’euros dans trois ans. Il s’agit, ni plus ni moins, d’obtenir des pays créanciers via leurs banques centrales des garanties supplémentaires, des actifs de qualité comme par exemple des infrastructures… On revient à la proposition de la presse populaire allemande d’acquérir des iles grecques pour les transformer en centres de vacances…

Faute d’y parvenir, la logique de la position défendue par Jens Weidmann risque de revenir à débrancher la machinerie de l’Eurosystème qui permet au système bancaire de fonctionner, aboutissant de facto à remettre en question l’euro dont le maintien est par ailleurs proclamé indispensable… Une redoutable contradiction de la politique du gouvernement allemand qu’il a le mérite involontaire de souligner.

Voilà qui met en perspective les soupirs de soulagement que l’on entend. Au mieux, quelle ingénuité !

Tiré d’un article de François Leclerc : La grosse contradiction allemande sur le blog de Paul Jorion www.pauljorion.com

 

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