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Oct 06

Les barbares

[Et on pourrait rajouter aussi beaucoup d’autres choses, mais c’est déjà tellement bien écrit que ce serait inutile]-alpha.b

À chaque nouveau fait divers, dont certains s’évertuent à nous dire qu’il ne s’agit
que d’un fait divers, un degré est franchi dans la violence. À chaque fois, nous
constatons un peu plus que des individus nés en France, qui ont passé des
années à suivre des cours d’éducation civique dans des écoles et des collèges de
France, se comportent comme des animaux, marquant leur territoire, agissant
en meute parce que la codification de la violence par mille ans de chevalerie
s’est effacée, parce que toute forme minimale d’honneur ne les effleure pas et
qu’on peut se jeter à quinze à coups de couteaux et de battes de base-ball sur
un garçon désarmé. Nous avons régressé vers les temps barbares.

Kevin et Sofiane ne sont que deux visages, deux noms, sur la longue liste des
victimes du ré ensauvagement de la France. Il y avait eu, un été 2010,
Mohammed, un jeune marié souriant. Massacré sur une bretelle d’autoroute sous
les yeux de sa mère parce qu’il avait demandé un constat pour un accrochage.
«Vous allez pas faire vos Français», s’étaient exclamés les fauteurs d’accident
avant d’appeler des renforts de la cité voisine. Cette phrase est essentielle,
parce qu’elle est une clé pour comprendre le processus qui rend notre société
invivable

Faire son Français, c’est accepter les règles fixées par l’État, c’est se sentir
dépositaire de la loi parce qu’elle a été délibérée en commun, c’est se sentir
appartenir au peuple français. C’est s’inscrire dans une civilisation, mêlant les
héritages gréco-romain et judéo-chrétien, qui a voulu, plus que toute autre,
accorder sa dignité à toute vie humaine en proscrivant la violence brutale et la
loi du plus fort.

Rien à voir avec une quelconque couleur de peau. Et c’est pour
cela que le terme de «racisme anti-Blancs» qui a ressurgi, hasard de l’actualité,
le jour où Kevin et Sofiane tombaient sous les coups de leurs agresseurs, ne dit
rien de ce que nous vivons. Il passe à côté du problème. Kevin, Sofiane et
Mohammed n’étaient pas blancs. Mais ils étaient pleinement Français en cela
qu’ils acceptaient les règles de la République et les codes de notre civilisation.

Mais comment peut-on ne pas voir que la société de
consommation, qui vante l’accumulation de biens inutiles mais élevés au rang de
signes extérieurs de bonheur, et la télévision, qui étale en permanence sous les
yeux des pauvres ce qu’ils n’auront jamais par le travail et l’effort et offre aux
enfants le spectacle d’une violence totalement dérégulée, sont des armes de
destruction massive pour une société structurée autour de l’idéal républicain et
de l’individu autonome et responsable recevant sa gratification selon son mérite?

Ajoutons à cela la responsabilité de tous ceux qui ont voulu consciemment –
mettre à bas un édifice moral qu’ils jugeaient oppresseurs, tous ces esprits
généreux à qui l’on voudrait demander aujourd’hui comment ils qualifient cette
forme d’oppression, la pire de toutes, qu’on appelle la loi de la jungle. Autant
dire que le défi est immense. Mais nous devons le relever pour que d’autres
noms ne viennent pas s’ajouter à la liste.

 

Extraits d’un article de Natacha Polyani                        le figaro.fr du 05/10

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