«

»

Mai 17

Le travail

Autrefois l’on pouvait dire : je suis un esclavagiste, je suis un tyrannique, je suis un sadique. Sans trop de problèmes. Je veux dire que tout était bien défini. Que l’ennemi était clairement désigné. Que le plus fragile était présent, quelque part. Victime ou coupable. Mais aujourd’hui personne ne semble capable de désigner parmi ses semblables le plus fragile. Je ne veux pas non plus que l’on se montre enthousiaste au sens étymologique de l’être.

Mais revenons au temporel. Il m’arrive de ne pas trouver le sommeil au souvenir du chômeur qui s’est immolé. Voilà l’une de mes limites. J’avoue une gêne… nous sommes sûrement la génération de Français à éprouver aussi tôt la plus grande honte de son État.

Cet homme dont j’ignore tout ne voulait que du travail. Dans la France celtique, dans la France romaine, dans la France médiévale, dans la France impériale, dans la France de MM. Jaurès et Maurras, et même dans la France de Vichy, il aurait pu fournir ses bras. Je veux dire ce qui le définit comme homme, simple et vulgaire, ses bras et ses mains de Français. On l’aurait accepté à la tâche.

Mais aujourd’hui, ni « l’Histoire », ni les démophiles ne veulent de lui. Pourtant eux, ils n’ont qu’une tête, une grosse tête, bien pleine, bien ronde comme des ballons. Souvent desséchée mais ne parlant que de sources, ils ne s’émeuvent même plus lorsqu’un petit citoyen, du peuple bas, chômeur, se présentant à la caisse de son département certainement bicentenaire, pour pourvoir un travail, se brûle sa chair. Littéralement. Violemment. Mortellement.

 Je veux seulement vous dire que même le plus fragile d’entre nous qui se manifeste pour la chose essentielle qui fait l’homme : le Travail, est aujourd’hui inconsidéré. Ignoré. Bafoué dans sa chair.

Je dois porter assurément un peu de sa colère pour écrire sur ce mort. Pour nous rassurer, et que l’on se rassure, Monsieur Jorion à parfaitement raison d’affirmer que le travail tend à disparaître. Et j’ai parfaitement raison d’affirmer qu’en France actuelle le sens du travail n’est plus. Que cet être fragile soit rejeté dans l’oubli et la haine des gouvernements ! Mais cet homme a sans aucun doute atteint la limite et pour certains Stoïciens accompli un acte de vraie liberté. Il nous a fait don de sa mort.

 Car aucun homme ne devrait vivre dans une Cité de mépris pour le Travail. Ni de Haine.

Extraits d’un article de D.Turpin sur le blog de Paul Jorion   www.pauljorion.com

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *