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Juin 20

Le Chateau Fort

[Peu de mots, mais quelle pertinence !]-alpha.b

 

 

Pour décrire ce qui se passe, il y a des images à mon avis trompeuses, comme celles de la cascade de dominos, du château de cartes, de la bombe à retardement qui fait Tic Tac, etc…

Ces images nous égarent en donnant l’impression que l’heure de la fin approche (où le dernier domino tombera, où le château de cartes s’effondrera, où la bombe explosera, etc). On prétend que quand tout ce fatras sera balayé, alors nous passerons résolument à autre chose (même si c’est pour souffrir davantage).

Je pense que ces images trompeuses mènent à une forme de sidération : observer les lézardes l’une après l’autre, horrifié et fasciné à la fois. Il me semble que cette compulsive surveillance des chiffres toujours plus hallucinants (taux par ci, PIB par là, etc…) participe de cette sidération.

Ce qui arrive n’est pas un effondrement (qui s’arrête quand tout s’est effondré), mais un phénomène d’un autre ordre, qui consiste en une transformation (un pourrissement, si l’on veut), qui est continu et sans limite sur l’échelle du pire. Le corps social et politique ne s’effondre pas : il se défait, se putréfie. C’est un processus qui n’a pas de fin, tout comme la décomposition des cadavres.

Certains commentateurs du Blog marquent de temps en temps leur exaspération en disant en substance : Depuis tout ce temps que l’on annonce l’apocalypse… et on ne voit rien venir… Vivement que ça pète une bonne fois et qu’on en finisse…

Mais c’est une réaction émotionnelle hors de propos, née d’une analyse erronée du processus en cours. Et en passant, espérer que « cela pète une bonne fois pour qu’on en finisse » est surtout un excellent alibi pour continuer d’attendre, en laissant les paramètres extérieurs fixer le moment où il sera temps de faire soi-même résolument quelque chose…

Si quelqu’un est rongé par une maladie dégénérative, à quoi lui sert d’attendre l’infarctus ?

Modifier radicalement et définitivement sa façon de vivre est difficile. Tout le monde n’y parviendra pas. La conception de la vie que cela requiert est celle d’un processus infini, toujours susceptible de se développer ou de se défaire, de s’élever ou de s’éteindre, et où rien n’est jamais acquis…

Bref tout le contraire de l’idéal du château-fort, qui règne sur l’imaginaire occidental depuis des siècles.

 

Commentaire sur le blog de Paul Jorion www.pauljorion.com

 

 

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