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Fév 11

La troisième voie

Extrait d’un poème de Solon d’Athènes :

‘…des citoyens insensés veulent détruire eux-mêmes cette cité superbe par leur amour insatiable de l’or : ceux qui la gouvernent entassant injustice sur injustice hâtent encore sa ruine. Leur immense avidité n’a aucune borne. Ils ignorent que le bonheur de la vie est dans la modération et la tranquillité ; ils ne songent qu’à amasser des richesses par des moyens honteux.

Ils ne respectent ni les propriétés sacrées ni le trésor public ; ils pillent tout ce qui se rencontre au mépris des saintes lois de la justice.

Mais cette justice éternelle, silencieuse aujourd’hui, conserve dans sa mémoire leurs coupables rapines ; elle connaît le passé, elle voit le présent, elle arrive à l’heure marquée, elle punit enfin tant d’infamies. C’est par ces raisons criminelles qu’Athènes tout entière se trouve affligée de cruelles souffrances, que nous sommes tombés dans un esclavage insupportable, que nous avons été environnés d’horribles séditions, qu’une guerre cruelle est venue nous dévorer et qu’au bonheur le plus doux ont succédé des maux affreux.

Notre ville si puissante et si aimable a été tout à coup opprimée par des hommes féroces : le crime triomphe ; l’homme de bien est exposé à l’outrage ou à la mort. Voilà les malheurs qui sont venus fondre sur Athènes. Et défié plusieurs de nos citoyens, mis à d’indignes enchères, chargés de liens comme des criminels, sont entraînés ignominieusement dans des régions lointaines.

La calamité publique envahit toutes les maisons particulières ; ni les beaux portiques ni les portes d’airain ne sauraient l’empêcher : elle monte sur les toits les plus élevés et y découvre ceux qui s’y réfugient comme s’ils étaient dans leur lit.

Que les Athéniens apprennent ainsi que l’injustice est toujours la ruine des empires. Avec la justice au contraire règne la modération : elle tempère la dureté, elle abaisse l’ambition, elle repousse l’injure et l’outrage ; elle détruit les semences naissantes de la discorde, elle rectifie les jugements, elle calme les cœurs aigris, elle met un frein à la sédition ; sous son gouvernement heureux la sagesse et l’intégrité règlent toutes les actions des hommes.

J’avais donné par mes lois une égale puissance à tous les citoyens ; je n’avais rien ôté, rien ajouté à personne ; j’avais ordonné aux plus riches et aux plus puissants de ne rien faire contre les faibles, j’avais protégé les grands et les petits d’un double bouclier d’une force égale de chaque côté, sans donner plus aux uns qu’aux autres ; mes conseils furent méprisés : on en porte la peine aujourd’hui. »

(Traduit par Ernest Falconnet)

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