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Mar 08

La mythologie

 

[Aujourd’hui, n’en déplaise à nos amis suisses, c’est toute la finance qui est un mythe]- alpha.b

 

 

Voyageant en Allemagne la semaine passée, j’ai été abasourdi par la classe politique de ce pays: un ministre de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich, à la limite de la schizophrénie réclamant la sortie de la Grèce de la zone euro tout en votant avec ses collègues le nouveau plan de sauvetage du pays. Un ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, d’une candeur frisant la naïveté, avouant qu’il y aurait encore d’autres plans de sauvetage de la Grèce avant même que le plan actuel soit voté. Une chancelière, qui a besoin des voix de l’opposition pour faire passer le texte. Des parlementaires recevant les 726 pages du plan, en anglais, à peine deux heures avant le vote!

Je n’ai que rarement été témoin d’un décalage aussi flagrant entre les paroles et la pensée de responsables politiques. Ces derniers semblent se rabattre sur des fictions bien pratiques pour donner l’impression que la situation est sous contrôle. Il faut pourtant savoir démystifier ces mythes si nous voulons trouver une solution durable à la crise de l’euro. Commençons par les quelques affirmations qui suivent.

 «Les Grecs vont recevoir une enveloppe de 130 milliards d’euros d’aide, soit 12 000 euros par habitant.»

Faux. Même si le plan s’élève effectivement à 130 milliards d’euros, le Grec moyen – qui vient de voir son revenu chuter de 50% – n’en verra pas un centime. Trente milliards serviront à acheter des couvertures pour les nouvelles obligations grecques, 50 milliards à stabiliser les banques grecques et 50 autres milliards alimenteront un compte de séquestre pour assurer le service de la dette.

«Un défaut de la Grèce n’est plus à l’ordre du jour»

Faux. La Grèce fera défaut, et sous peu. Pour atteindre les objectifs de réduction de la dette définis avec les ministres des Finances de la zone euro, 90% des créanciers privés doivent accepter volontairement le plan d’amortissement de la dette et donc des pertes. La Grèce sait qu’un tel pourcentage est très improbable, c’est pourquoi elle a récemment ajouté à ses obligations des «clauses d’action collective» rétroactives. En dernier ressort, celles-ci lui permettront d’imposer une décote 53,5% et un échange de créances aux bailleurs de fonds réticents. On ne pourra donc plus parler de volontariat et il s’agit bien d’un défaut.

«Ce plan est le dernier»

Faux. Même s’il est exécuté sans faille – ce qui est hautement improbable – ce plan permet à la Grèce de tenir jusqu’en 2014, au mieux. Que se passera-t-il après?

«La dette grecque descendra à 120,5% du PIB d’ici 2020»

Difficile à dire. Je serai surpris que cela s’avère exact. Nous autres économistes savons qu’il est déjà bien hasardeux de faire des projections à six mois, ce qui rend toute prévision avec un horizon de huit ans totalement futile.

«La Grèce restera dans la zone euro»

Peut-être, pour le moment. Toutefois, je ne suis pas certain que le peuple grec trouvera que sauver la face et rester dans l’euro justifient tous les sacrifices qu’on leur demande – pas uniquement maintenant, mais pour les dix ans à venir.

«La Banque centrale européenne (BCE) ne monétise pas la dette.»

A moitié vrai. La BCE ne monétise pas directement la dette, mais son opération de refinancement à long terme des banques, dont la deuxième tranche de 530 milliards d’euros a été distribuée la semaine passée, vise aussi à faciliter l’achat de dette souveraine par les intermédiaires financiers européens. La BCE applique donc un programme d’assouplissement quantitatif.

Tant que les responsables politiques refuseront d’accepter certaines dures vérités sur la complexité de la crise de la zone euro et sur la difficulté à la résoudre, leurs affirmations répétées que la crise est résolue resteront le plus grand de tous les mythes.

ANDREAS HÖFERT  Economiste en chef d’UBS Suisse mars2012

 

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