Ceci n’est pas une crise… c’est une mutation
Le regard que l’on porte aux choses à l’instant présent est fondamental pour le temps à venir. Y voir une crise est anxiogène, c’est le royaume de la peur, des angoisses. Y voir une mutation est nettement plus serein, plus constructif, plus optimiste. Dans un cas, on est en réaction, en défense, et dans l’autre, on se situe dans l’action, dans l’attaque. Quelle est la meilleure stratégie ?
Nous savons que la solution pour les années à venir est et sera essentiellement l’affaire de chacun d’entre nous en œuvrant dans le sens du bien collectif. Les contraintes, les efforts, seront d’autant plus « acceptables »qu’ils seront accompagnés d’espoir, de sens du combat à mener vers un avenir forcément meilleur.
Quel monde meilleur ? L’être humain a besoin de rêver, d’imaginer un autre monde, simplement pour pouvoir y parvenir. Sans écouter tous les défaitistes et ceux qui ont trop à perdre de tout changement… « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait », Mark Twain…
Connaître et comprendre ce qui se passe aujourd’hui dans le monde, dans nos sociétés, permet d’anticiper et de s’adapter. Deux facteurs essentiels pour l’évolution humaine, depuis son origine. Bien sûr, beaucoup de choses changent plus brutalement actuellement, notamment parce qu’elles sont en fait l’aboutissement de lentes évolutions cependant pas toujours visibles pour tout le monde, et de transformations en profondeur. Aucun drame dans tout cela. Au contraire, c’est sans doute une très grande chance.
Accepter que notre civilisation ne soit pas en crise, mais en mutation change tout simplement notre comportement. De protecteurs nous devenons inventeurs ! Si nous étions en crise, des soins permettraient d’en sortir pour retrouver notre état initial. Les remèdes ont été, et sont toujours, administrés. Aucun effet, aucune amélioration. Si le « malade »ne guérit pas, c’est qu’il est en train de passer à un autre état, différent, et pas forcément mortel !
Un autre regard : une véritable vision
Nous ne voyons pas clair actuellement parce que nous regardons avec nos yeux d’hier une réalité qui nous demande de la regarder avec nos yeux de demain. Or, la majorité de nos « penseurs/influenceurs » actuels, qui disposent de porte-voix importants, sont d’un autre temps. Ils considèrent l’industrie avec le regard du XIXe siècle, l’énergie avec le regard du milieu du XXe siècle, la communication avec le regard publicitaire des années 80…
L’époque est à la rupture des paradigmes établis.
Les basiques sont remis en cause, partout et pour tout. Ces leaders d’opinion sont donc dans l’incapacité de nous guider, ne disposant pas des nouvelles clés nous permettant d’ouvrir les bonnes portes… ou les bonnes fenêtres ! Or les nouveaux penseurs, les nouveaux exemples, sont là, bien là. Et depuis de nombreuses années. Ils/elles ont défriché les terrains, les connaissances, testé leurs idées pour valider leur efficacité au regard de l’expérience.
Les échanges entre les disciplines scientifiques ou intellectuelles sont les sources de tant de créativité et de progrès. Mettons-les plus en lumière, écoutons et prenons en considération leurs idées, leurs pistes de travail, leurs terrains de recherches et d’expérimentations. Les nouvelles idées émergent… On les regarde avec un autre regard, plus attentif, plus attentionné, plus curieux… Moins moqueur aussi. Et si les utopistes et autres idéalistes avaient parfois raison ?
L’enjeu de la confiance
L’incertitude n’a rien à voir avec le manque d’espoir. Ni avec le manque de vision. C’est l’inverse. Les globe-trotters savent que deux aptitudes sont vitales en situation difficile : savoir gérer l’imprévu et pouvoir lâcher prise lorsqu’il le faut ! Comme tout entrepreneur d’ailleurs. Ou comme tout parent ! Ce sont deux illustrations de forces qui permettent d’être en confiance, et donc en sérénité très vigilante, pour vivre l’instant présent et aborder ce qui peut arriver à chaque instant.
Être en confiance nécessite que la nature humaine redéfinisse ou affine ses basiques, ses fondamentaux. Au regard de la mutation en cours, trois caractéristiques peuvent constituer le socle culturel humain des prochaines années : le besoin d’être et non d’avoir, la nécessité de savoir pour comprendre et pour faire des choix, pour prendre des décisions judicieuses, et enfin la capacité à prendre des risques, à oser, à entreprendre, à faire preuve d’audace.
Être… savoir… risquer
« Être » est au sommet de tout, c’est la première force humaine à (re)définir, car tout en découle naturellement, notamment l’activité. Le cerveau commande la fonction. Dans une période de recherche de sens, la question des convictions, et des doutes aussi, sont les fondations de tout comportement et de toute construction.
« Savoir » est la seconde clé d’avenir. Plus le savoir sera maîtrisé, plus le pilotage de vie pourra être précis. Disposer dans un contexte de surinformation générale de la bonne information, crédible, utile, sera l’atout de demain.
Jamais l’accès à la connaissance n’a été aussi grand. L’Homme en tire-t-il un réel profit ? Grâce au web l’être humain n’a plus besoin de stocker ses connaissances dans son propre cerveau. Les serveurs et autres disques durs s’en chargent. Notre cerveau a donc tout l’espace nécessaire pour juste savoir où trouver les connaissances et pour analyser, synthétiser, créer, décider…
Extraordinaire évolution ! D’où la forte attente de transparence pour rapprocher savoir et vérité, pour démontrer, étayer. Et enfin, surtout…
« Risquer » va souvent avec innover, condition vitale pour aborder la phase de mutation que nous traversons. Pourtant la plupart des investisseurs, par exemple, ne recherchent que des placements à haut rendement et sans risque ! La culture du rentier dans son fauteuil a écrasé celle de l’audacieux qui gravit les montagnes. C’est pour cela que les politiques promettent de nous protéger face à la crise. Parce que la peur nous paralyse. Or, nous avons surtout besoin qu’ils nous « arment » face à la mutation. Oui aux outils et non aux boucliers !
Le principe de précaution poussé à l’extrême comme actuellement est un frein parce qu’il empêche d’oser, d’explorer des territoires inconnus. Inventer, transformer et réformer ne peuvent se faire sans prise de risque, sans remise en cause des états existants jusque-là, sans courage non plus. Les organisations qui émergent acceptent le risque, celui de perdre par exemple. La société Patagonia vient de lancer un appel à ses consommateurs pour acheter moins ! Paradoxal ? Non, logique. Cette entreprise a toujours pris des risques en innovant. Aujourd’hui, elle demande à ses clients d’acheter moins, de réparer, de donner ou de recycler. Pari fou ? Pas si sûr… Dans sa nature.
“High risk, High return » disent les Anglo-saxons. Un état d’esprit avant tout, celui des pionniers, des défricheurs, des explorateurs et des inventeurs. Une façon d’être, source de connaissances et de savoirs. Celles et ceux qui prendront des risques grâce à leurs convictions et à leur utilisation des connaissances auront toujours un temps d’avance dans la mutation en cours, donc un sérieux avantage. Seront en crise en revanche, celles et ceux qui refusent les mutations qui se présentent ou se préfigurent. Qui ne les voient pas, ou qui ne les comprennent pas.
La Première Guerre mondiale a été l’événement crucial dont a découlé tout le XXe siècle. La mutation actuelle est sans doute l’événement crucial dont découlera tout le XXIe siècle.
Cyril Delattre
Commentaires récents