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Jan 19

La metamorphose

 

L’imminence de la société post-capitaliste

Grâce à l’informatique, chacun est théoriquement en position “révolutionnaire” où qu’il se trouve pour peu qu’il soit lucide et qu’il fasse l’effort d’interpréter sa situation non plus en termes d’intérêt pour lui, mais en termes de réciprocité généralisée. L’analyse de la situation n’est dès lors plus seulement motivée par la critique négative parce que celle-ci se double d’une critique positive.

Bien que les fonctions sociales et les statuts sociaux soient aujourd’hui envisagés en fonction de leur rentabilité en termes de profit, de confort ou d’intérêt, bon nombre de citoyens aimeraient encore pouvoir dire: « Mais la réciprocité, n’est-ce pas ce que nous souhaiterions pratiquer en tant que médecin, enseignant, fonctionnaire dans le service public, et dans nos commerces comme dans l’entreprise en tant qu’ouvrier ou patron ? » Eh bien, dont acte : que ce ressort de la vie rêvée devienne celui de la vie réelle ! Et que non seulement l’économie sociale mais toute l’économie s’empare de la réciprocité. Tout le monde a le droit d’aimer tout le monde, et nous en avons aujourd’hui à l’évidence la possibilité technique.

La révolution est immanente, hors de l’emprise de tout parti ou de toute direction élitiste : à la portée de chacun, en raison par la théorie de la réciprocité, en pratique par la révolution numérique. Chacun est en situation de changer les choses parce qu’il peut en un bref moment de réflexion modifier sa relation avec son prochain, et s’assurer qu’elle obéisse à l’une des structures de réciprocité fondamentales au lieu d’obéir à une relation de libre-échange déterminée par le seul intérêt privé. Et le plus tôt vaudra le mieux. Il faudrait, certes, que les nantis renoncent à quelques privilèges et cessent d’accroître indéfiniment leur pouvoir de domination ou de jouissance mais pourquoi ne l’accepteraient-ils pas si le bonheur (leur bonheur !) en est la raison ?

On répondra que si c’était si simple, il y a longtemps que cette métamorphose aurait été accomplie par la société contemporaine : mais ce n’est pas si simple ! Cette métamorphose n’a pas été possible tant que la connaissance n’a pu dépasser certaines limites, qu’elle s’est contentée de traduire les relations humaines en relations de forces physiques comme celles qu’elle observait dans la nature. Il a fallu les découvertes de la Physique la plus récente et de la Biologie pour que seulement de notre temps il soit possible de lever les obstacles épistémologiques qui l’empêchaient d’appréhender les relations humaines à partir de principes différents de ceux que lui imposaient la Physique.

La Physique et la Biologie ont déjà franchi ce seuil fermé depuis des siècles. La Philosophie politique doit à son tour le franchir, comme le char que Platon emmenait traverser le ciel pour découvrir les «espaces clairs de l’immortalité». Dès lors, qui refusera de se donner les moyens d’être plus compétent pour explorer le domaine où il est permis de construire les valeurs universelles ? Reconnaître la logique des choses, des choses de l’Esprit et pas seulement de la Physique, permettra sans doute de montrer que les structures sociales qui répondent au principe de réciprocité engendrent la médiété entre les partenaires de la réciprocité, en tant que Tiers, c’est-à-dire l’Humanité.

 Cet effort, il est vrai, reste encore à faire !

 

Extrait d’un article de Dominique Temple sur le blog de Paul Jorion  www.pauljorion.com

 

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