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Juin 15

La logique de force

Mercredi, l’Association nationale des industries agroalimentaires s’est associée au syndicat agricole FNSEA et au représentant des coopératives agricoles, Coop de France, pour écrire une lettre ouverte à Manuel Valls, en forme d’appel à l’aide. Ils y dénoncent les « ravages de la guerre des prix, poursuivie, entretenue et amplifiée par les enseignes de la grande distribution ».

Véritable marronnier, le sujet ressurgit tous les ans au moment de l’ouverture des négociations commerciales. Mais cette fois, le bras de fer prend une nouvelle ampleur sur fond de crise économique et de pouvoir d’achat en berne. « Moins de trois mois après la fin de négociations commerciales particulièrement âpres et tendues, les fournisseurs ont été reconvoqués par leurs clients de la grande distribution pour leur réclamer des compensations de marges supplémentaires injustifiées et hors contrat.

L’incarnation de la déflation

Au premier abord, une baisse des prix, c’est plutôt une bonne nouvelle, mais c’est une baisse en trompe-l’oeil. » Pour attirer une clientèle qui hésite de plus en plus avant de mettre la main au porte-monnaie, les grandes enseignes ont relancé la guerre des prix. Mais la bataille se concentre surtout sur les tarifs appliqués aux produits que le consommateur peut comparer, parce qu’ils sont identiques d’une enseigne à l’autre : ceux des grandes marques (Nutella, Herta…).

Une logique renforcée par les comparateurs de prix, lancés par Leclerc, aussitôt imité par ses concurrents. Résultat, selon Système U, « les prix des produits de marques nationales ont chuté de 2,2 % sur le mois de mai ». Une tendance confirmée pour l’ensemble des produits alimentaires par la publication de l’indice des prix à la consommation de l’Insee : « Malgré une hausse de 0,3 % sur un mois en mai 2014, les prix se sont de nouveau repliés sur un an (- 0,9 % après – 0,6 % en avril 2014) », relève l’Institut national de la statistique et des études économiques.

Bras de fer entre Casino et Coca

Le mouvement de baisse sur les marques nationales est continu depuis « septembre 2013 », assure Système U. Les distributeurs font pression sur les industriels et écrasent leurs marges. En mai, Casino a même pris le risque de ne plus alimenter ses rayons en boissons du groupe Coca-Cola, au motif que ses prix étaient trop élevés. Un conflit symbolique, alors que cette pratique se limite d’habitude aux plus petites marques…

La guerre des prix est d’autant plus problématique qu’il est de plus en plus difficile pour les enseignes de se rattraper sur l’augmentation des volumes de ventes, longtemps le levier principal de la baisse des étiquettes dans les hyper et supermarchés. « Les consommateurs n’ont plus envie d’acheter des masses de produits. Les gens commencent à se poser des questions sur ce qu’ils consomment et les conséquences sur leur santé », avance Système U. Certains se tournent même vers des circuits de distribution alternatifs (vente directe des producteurs…). Pour maintenir sa rentabilité, la grande distribution exigerait donc aussi des baisses de tarifs des petites et moyennes entreprises et des producteurs agricoles, qui n’ont souvent pas le même pouvoir de négociation que les grandes marques et sont plus fragiles. Sans que cela se répercute nécessairement en rayons, et donc pour le consommateur.

« 316 fermetures de sites en 2013 »

« En 2013, près d’une entreprise agroalimentaire par jour a dû cesser ses activités, soit 316 fermetures de site et une destruction de 6 425 emplois en une seule année. Et les exploitations agricoles en subissent le contrecoup avec des chutes de revenus qui mettent en péril leur survie, celle de leurs salariés et la garantie d’un approvisionnement national. Ce n’est plus acceptable ! » déplorent industriels, coopératives et agriculteurs dans leur lettre ouverte commune.

Des tensions sur l’emploi qui commencent également à se faire sentir chez les distributeurs eux-mêmes. Plan social chez Auchan, projet de regroupement de sites des entrepôts d’Intermarché, retrait annoncé du marché français par le hard discounter Dia… Les mauvaises nouvelles ne manquent pas.

 Suffisant, en tout cas, pour que Système U dénonce « une logique destructive et mortifère ».

Extraits d’un article de Marc Vignaud sur le point

 

 

 

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