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Août 20

La fin de l’Histoire

L’invasion du domaine privé est la conséquence d’un affaissement des vertus publiques par déclin de l’idéal commun et de volonté commune. Le déclin des grandes batailles et des idéaux incite les citoyens à se réfugier dans la passion pour les petites choses.

Les sociétés occidentales vivent hors l’histoire parce qu’elles ne supportent plus l’explosion de vie, le désordre, le risque, la violence éventuelle, la grandeur qui fait mal, l’échec des perdants, et tout ce qui bouscule, terrifie, inégalise, angoisse.

Nous avons payé un tribut trop lourd à la grande Histoire au siècle précédent. Et cela explique certainement notre secret désir de décréter l’immobilité générale. Cependant il est pathétique de relever le fait suivant :

Des millions d’êtres humains sont morts en espérant par-là ouvrir pour leurs enfants une époque ou les existences privées pourraient se déployer sans le souci d’avoir à tout perdre pour de grands idéaux et ces enfants et leurs descendants vivent maintenant dans des sociétés ou l’on s’ennuie mortellement.

Aujourd’hui la pensée orthodoxe convainc les citoyens que nous sommes arrivés à la fin de l’Histoire or les évènements historiques disparaissent quand il n’y a plus de spontanéité possible, quand tout est planifié par une idéologie tenue par un pouvoir central. C’est la spontanéité la diversité laissée à elle-même qui font les évènements.

Clore l’Histoire signifie aboutir à une perfection, à un état dans lequel seront résolus les problèmes de toujours – c’est-à-dire qu’ils n’existeront plus. Le désir de faire vivre les humains comme des animaux sophistiqués avec leur mangeoire et leurs petits plaisirs et sans chercher ailleurs est commun aux totalitarismes et à la post modernité.

Pour cela il faudrait évincer le tragique de l’existence à commencer par les catastrophes collectives, politiques et sociales. Bien entendu jamais les hommes n’ont vécu sans la tragédie de leur existence, réalité objective, dont simplement ils n’ont pris conscience que peu à peu dans les premiers âges (et c’est probablement la prise de conscience du tragique de leur condition qui permet de les désigner comme humains).

Les sociétés contemporaines ont rallié l’utopie d’un temps sans histoire qui ressemble furieusement à la vieillesse d’un monde. Cette vision du temps sacralise le présent mais surtout diabolise le passé, considéré comme monstrueux et répugnant et se réjouit sans cesse de la sortie des ténèbres.

Jeter le passé aux oubliettes pour addiction au crime comme nous le faisons : c’est détester, c’est haïr le monde, or nous n’avons pas le droit de renier notre passé comme s’il était radicalement mauvais et radicalement séparé de nous, les bons élèves de l’histoire.

Nous avons développé notre conscience et même notre conscience morale au cours de siècles d’expériences et d’apprentissages et il ne faut pas oublier que nous pouvons déchoir et retomber car le progrès n’est pas un train en marche mais un effort permanent.

Extraits du livre ce Chantal Delsol : la haine du monde

 

 

 

 

 

 

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