Une analogie interessante mais qui a sa limite pour les marins : une mise a la cape c’est pour passer un mauvais moment et attendre le retour de temps plus cléments, mais là qu’est ce qu’on attend ?
A la cape
02 novembre 2011 – Nous sommes en train d’entrer dans une nouvelle période de la crise terminale d’effondrement du Système, autant dans les évènements comme il est loisible de le constater (suites et effets du “printemps arabe”, Grèce et Europe, OWS et situation aux USA, etc.), que, – surtout, et c’est bien l’essentiel de notre propos, – au niveau de la psychologie. Nous disposons d’indications assez précises pour tirer des enseignements généraux sur les effets dans les jugements de cette évolution psychologiques, ces enseignements disant que les échelons les plus élevés des systèmes généraux des directions politiques, notamment de sécurité nationale, dans divers pays du bloc BAO, réalisent l’entrée dans un domaine nouveau de crise, un domaine terrible et épouvantable, un domaine sans prévision possible. Il s’agit de la réalisation de la crise fondamentale d’effondrement du Système.
Cette période nouvelle, nous la définissons pour ce qui est de la posture de plus en plus envisagée, par le terme de marine, que nous jugeons expressément réservé à la marine à voile, de se mettre “à la cape”. La définition de Wikipédia de ce terme ne nous satisfait pas par rapport à ce que nous en avons connu in illo tempore… Pour nous, se mettre “à la cape” n’est pas une disposition du gréement intermédiaire avant la tempête mais une disposition du gréement d’affrontement des gros temps autant que de la tempête elle-même. Wikipédia nous dit qu’il existe, par contraste avec la “cape courante” (notre cas) une “cape sèche” (sans aucune voile) et une allure de “fuite” qui consiste simplement à laisser aller le bateau au gré des éléments déchaînés, simplement avec la barre bloquée dans sa position initiale. Nous préférons, notre approche antique du concept (datant des années 1950 !) parce qu’il traduit mieux la situation politique générale, notamment dans les pays du bloc BAO… Ils sont en train de se mettre “à la cape”, pour tenter de continuer à tenir dans le très gros temps, et pour tenter d’affronter la tempête qui suit sinon se superpose d’ores et déjà au gros temps.
Un phénomène important s’est produit durant ces derniers mois, plus généralement depuis le début de l’année 2011. Nombre de segments importants des directions politiques des pays du bloc BAO, au niveau de certains hauts fonctionnaires, des experts et des conseillers spéciaux, ont commencé à réaliser la gravité de la situation, notamment son caractère d’incontrôlabilité dans ce cas qui commence à être réalisé comme celui d’une crise centrale, la crise d’effondrement du Système. Nous parlons d’un phénomène qui a tendance à se généraliser, disons qui est en cours de généralisation. Il n’atteint pas (voir plus haut) les plus hauts dirigeants politiques, parce que ceux-ci sont, eux-mêmes, sous l’empire du système de la communication et de leurs agendas électoraux, – bref qu’ils n’ont plus rien d’essentiellement politique dans leurs démarches et dans leurs comportements, encore moins certes dans leurs jugements. (Ce ne sont pas des pions ni des marionnettes, ce sont des créatures de communication, avec l’énergie de la représentation et la pauvreté de l’esprit qui vont avec.)
La crise règle tout
Ces analyses générales que nous citons rencontrent principalement l’apparition et le développement de plusieurs phénomène que nous signalions dans notre commentaire du texte de William Pfaff, le 28 octobre 2011, notamment dans le paragraphe suivant…
«Les USA, comme tous les pays du bloc BAO, et d’une façon plus générale, à l’image de la situation du monde en général, voient leurs préoccupations intérieures prendre le pas, d’une façon de plus en plus impérative, sur tout le reste. Désormais, la crise générale du Système écrase tout le reste et impose ses priorités, et la priorité des priorités pour chacun se résume à la situation de désordre chez soi, à la délégitimation des pouvoirs dans chaque entité, à la colère populaire, à l’effondrement des structures de pouvoir, à l’effondrement des moyens financiers et budgétaires et à la catastrophe économique. La “politique extérieure” reflète cette évolution en étant réduite elle-même à une déroute pure et simple. On en arrive à un point où l’on ne saurait même plus s’en tenir à la caractérisation de telle ou telle politique, essentiellement américaniste-occidentaliste certes, d’être “en déroute”, mais bien à l’application de ce jugement de la déroute générale au fait même de la politique extérieure : tout se passe comme si la politique extérieure, d’une façon générale, exprimait en soi la déroute générale du Système lui-même.»
Ce sont ces idées qui sont développées désormais dans ces sphères des directions politiques que nous avons identifiées plus haut, qui se caractérisent essentiellement par une contraction accélérée de la politique extérieure et une attention en augmentation très rapide portée aux questions de la situation intérieure.
L’effondrement de la puissance américaniste, outre d’être un des événements “en soi” signalés plus haut, est aussi un fait également fondamental de la nouvelle situation telle que la perçoivent ces échelons supérieurs des bureaucraties et systèmes de direction politique. Elle s’effectue au niveau des structures, des capacités de mouvement et d’adaptation, même si le Pentagone s’appuie sur un réseau innombrable de bases qui témoignent désormais plus de sa paralysie que de sa puissance. (Ceux qui continuent à envisager des scénarios apocalyptiques à partir de ces données quantitatives de la soi-disant puissance US feraient bien de tenir compte de tels facteurs qualitatifs d’effondrement.) Dans ce cas, l’effondrement de la puissance US est perçu comme l’effondrement d’un des facteurs structurants des anciennes activités politiques et géopolitiques du bloc BAO. Cet effondrement est perçu, comme le reste, comme très rapide, selon une logique d’enchaînement irrésistible.
La conséquence de tout cela est, là aussi, l’évolution vers l’adoption d’une allure “à la cape”. Nous allons évoluer vers une situation où la pusillanimité de plus en plus paranoïaque et terrorisée sera de rigueur, le repli là où il peut être effectué sera envisagé avec la position défensive impliquée, l’abstention là où elle peut être observée, tout cela pour permettre de mieux se concentrer sur les crises intérieures et pour ne pas mettre la situation de légitimité et d’autorité perdues des Etats à l’épreuve des faits. La politique extérieure devrait perdre de plus en plus sa planification structurée, sans parler de la réalisation d’une telle planification qui n’est dès aujourd’hui plus réalisée.
Les autorités citées ne formulent pas la situation de cette façon, car elles n’ont pas une perception aussi absolue, certainement pas cette perception eschatologique, mais elles en mesurent les effets comme s’il s’agissait bien de cette sorte de situation générale. Les situations qui s’ensuivront, particulièrement au niveau intérieur, ne seront pas des situations de durcissement, policier, militaire, policier, etc., parce que les moyens, et surtout la volonté appuyée sur la légitimité, font cruellement défaut ; mais, de plus en plus, des situations de compromis, d’arrangements, de dissolution. L’exemple des réactions face au mouvement OWS fait déjà figure de “modèle”. Ce mouvement représente une menace sérieuse aux USA, justement parce qu’on l’a laissé se développer sans rien tenter contre lui d’une façon coordonnée (par exemple, avec un rôle très réduit des agences fédérales type FBI et CIA, – pour cette dernière, malgré l’apparence légale de limitation de son rôle hors des USA, – notamment par rapport à ce que furent le rôle de ces agences face aux troubles des années 1960). (Il faut noter que l’accaparement des agences fédérales contre les représentations exacerbées des mouvements terroristes joue son rôle dans cette absence de réactions, la souplesse de redéploiement n’étant pas leur point fort.) Les réactions sporadiques, inefficaces, alternant des répressions et des violences inutiles et sans effet et des mouvements de compromis, de reculs, d’arrangements, etc., ouvrent un champ très vaste à l’exploitation de communication de la situation par ces mouvements, jusqu’à représenter une véritable menace contre la stabilité générale du Système.
A notre sens, l’un des mystères des indications qui nous ont été données est de savoir quelles réflexions fondamentales ces dirigeants, ou ces échelons élevés des ensembles de sécurité nationale tirent-ils de ces constats qu’ils font de l’aggravation générale, voire eschatologique des conditions de la crise générale ? Tirent-ils des jugements fondamentaux sur le Système et sa responsabilité ? Jugent-ils que le Système est réellement perdu même s’ils sentent qu’il s’agit de la crise fondamentale d’effondrement du Système ? (Les deux idées peuvent cohabiter sans pourtant s’influer décisivement l’une l’autre.) Nous n’avons pas de réponse, et nous vivons sur l’impression qu’ils ne font que dérouler des constats prospectifs généraux, y compris les plus définitifs, sans nécessairement chercher une cause fondamentale, une “cause première”.
Le point intéressant qui nous paraît en suspens dépend d’une remarque que nous faisions en début de texte. Il s’agit de savoir ce que seraient les réactions des directions politiques les plus hautes, si l’information parvenait à les écarter de leurs préoccupations électorales et de communication, si vraiment, à un moment ou l’autre, ils comprenaient et se persuadaient qu’il s’agit bien de cette sorte de crise que nous décrivons. Il n’existe aucun précédent à ce type de situation, qui permette d’avancer une hypothèse acceptable. A l’inverse se pose la question de savoir combien de temps pourrait durer la cohabitation entre une direction politique supérieure dont l’essentiel des membres continueraient à ignorer ces réalités, et leurs échelons immédiatement inférieurs de conseillers et de chefs des organismes à leur disposition, ressentant de plus en plus le poids de cette conviction de se trouver effectivement au cœur de cette crise de l’effondrement.
Tout cela, pour aller vers où, pour déboucher sur quoi ? La marche vers l’inconnu, – à la cape, c’est la seule mesure qu’on puisse prendre…
Extraits de dedefense sa du 2 Novembre.
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