[Parce que tout le monde confond capacités intellectuelles et intelligence alors que ce n’est qu’une de ses composantes, l’autre étant celle qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. Et cela, nos soi-disant élites l’ont complétement oublié, si tant est qu’elles l’aient jamais su, car on apprend le contraire dans ces fameuses « Grandes Ecoles ». La vie, la vraie, prend toujours sa revanche, et c’est en cours et inéluctable. Juste une question de temps.] –alpha.b
Pourquoi les gens intelligents sont-ils aussi idiots ? Cette question hante les savants, les épouses et les barmen depuis des millénaires.
Une personne obtient son doctorat de physique. On lui pose une question simple. Il répond par l’une des réponses les plus bêtes que vous ayez jamais entendues.
Un autre devient champion du monde d’échecs. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le voilà qui milite pour une cause dont vous savez qu’elle n’a aucun sens.
Et Warren Buffett ? En voilà un homme intelligent. Il doit l’être : il a gagné beaucoup d’argent.
Les Français admirent les intellectuels. Les Anglais admirent ceux qui savent tenir leur langue. Les Australiens admirent ceux qui tiennent l’alcool. Mais les Américains admirent les gens qui gagnent de l’argent. Quelqu’un qui sait faire fortune est immédiatement paré de toutes les qualités — discernement, intelligence, énergie… il fait partie d’une classe à part. Faites savoir que vous avez gagné quelques millions, et le journal local voudra vous demander votre opinion sur la politique égyptienne ou le réchauffement climatique.
Quelqu’un doit donc avoir demandé à M. Buffett ce qu’il pensait des impôts. Bloomberg en parle :
“Les investisseurs milliardaires Warren Buffett et George Soros appellent le Congrès US à augmenter les impôts sur les droits de succession alors que les législateurs approchent une décision sur les politiques fiscales expirant le 31 décembre”.
“Dans une déclaration commune, Buffett, Soros et plus de 20 autres grandes fortunes ont demandé au Congrès de réduire l’abattement sur les droits de succession à deux millions de dollars par personne, par rapport à 5,12 millions actuellement, et d’augmenter le taux le plus élevé à plus de 45%, par rapport à 35%”.
“Obama s’est servi de l’appel de Buffett pour des impôts plus élevés sur les plus-values pour promouvoir la ‘règle Buffett’, qui exigerait un taux d’imposition minimum pour les personnes gagnant le plus d’argent”.
D’accord. Donc deux super-riches veulent augmenter les impôts. Pensent-ils vraiment que les bureaucrates et les élus feront un meilleur travail d’allocation de ressources que leurs propriétaires légitimes ? L’article continue :
“Parmi les signataires de cette déclaration se trouvent Bill Gates Sr., père du président de Microsoft ; Richard Rockefeller, président du Rockefeller Brothers Fund Inc. ; et Leo Hindery, partenaire principal d’InterMedia Partners LP”.
▪ La preuve vivante de ce que nous avançons
Attendez, Leo Hindery ? Ce nom nous dit quelque chose. Ah oui, c’est le Leo Hindery qui écrit dans le Financial Times : un cas d’école pour la question que nous nous posions en début de chronique. M. Hindery doit être intelligent. Mais qu’est-il arrivé à son cerveau ?
Dans son article du Financial Times de mercredi dernier, M. Hindery se montre aussi affûté qu’une batte de base-ball, pilonnant brutalement des idées banales et laissant derrière lui un beau gâchis. Il récite les faits tels qu’il les conçoit : le chômage réel est élevé, les salaires stagnent et ainsi de suite. Puis il avance, comme Custer à Little Big Horn, sur un terrain où les empêcheurs de tourner en rond ne peuvent que causer des désastres. De sa manière simplette, il imagine un monde où les résultats suivent les intentions comme le mariage suit l’amour. Il ne voit aucun besoin de contrat de mariage. Pas besoin de prévisions ou d’arrière-pensées. Tout s’arrangera. Pourquoi ? Parce qu’il a réfléchi à tout ! Il a utilisé son gros cerveau.
Quelle est sa solution à un chômage élevé et une croissance limitée des salaires ? Le gouvernement ! Sans rire :
“La création d’un département des Affaires reflèterait une direction éclairée en matière de politique et d’entreprises”, dit-il.
Que ferait cette nouvelle bureaucratie ? Elle… oui, vous avez deviné… serait responsable d’une nouvelle “politique industrielle et manufacturière”… De la planification centrale, en d’autres termes. Il appuie la “réforme du côté commercial de la branche exécutive” décidée par le président Obama. Et il rejette le “bobard libéral discrédité selon lequel le gouvernement n’a pas de rôle significatif à jouer dans le commerce du pays”.
Cet homme est un penseur profond. Trèèès profond.
Sa biographie se trouve sous son article. Comme on pouvait l’imaginer, il est “président” d’un groupe méritant et “co-président” d’un autre. Il est au conseil de nombreuses fondations, associations et autres organisations. C’est un zombie beau parleur, en d’autres termes.
Il a été brièvement appelé à gérer Global Crossing. Quand il a pris le poste, l’action valait 61 $. Un mois plus tard, elle était à 25 $. Plus tard, une fois qu’Hindery a été congédié, l’entreprise a fait faillite. Hindery n’avait probablement pas la moindre idée de ce qui se passait.
▪ Ce n’est pas mieux du côté des banques centrales
Et puis… qu’en est-il des génies des banques centrales ? Un article du Wall Street Journal nous apprend qu’un petit groupe de banquiers centraux est allé au Massachusetts Institute of Technology… Tous pensent qu’ils peuvent organiser l’économie presque comme on conçoit un moteur à réaction.
Bernanke à la Fed, Draghi à la BCE, King à la Banque d’Angleterre, Fischer à la Banque centrale israélienne — tous sortent du MIT. Ensemble, eux et leurs collègues ont ajouté 10 000 milliards de dollars à la base monétaire mondiale ces quatre dernières années. Aucun d’entre eux n’a d’expérience dans ce genre de choses — ça n’a jamais été fait. Tous admettent qu’ils ne savent vraiment pas ce qu’ils font.
“Il y a beaucoup de chose que nous ignorons tout simplement”, dit Donald Kuhn, un ancien de la Fed.
Et pourtant, ils continuent… vers l’avant… certains qu’ils trouveront des solutions à mesure qu’ils progressent.
Hindery, Buffett, Soros, Bernanke… sans parler des prix Nobel comme Krugman et Stiglitz — ils sont si intelligents, tous ces gens. Qu’est-ce qui ne va pas chez eux ? Sont-ils si doués pour faire les gros titres… ou gagner de l’argent… ou quoi que ce soit que fait M. Hindery… qu’il ne leur reste plus de cellules grises pour le bon sens ?
A moins que leur intelligence ne soit justement la source du problème ? Ils sont capables de se rappeler, de manipuler et de connecter des idées… Est-ce que ça leur donne assez de confiance pour vouloir manipuler le monde entier afin d’en créer un meilleur ?
Un costaud fait confiance à la force brute. Un homme rusé pense pouvoir gagner grâce à son astuce. Un homme sachant bien parler compte séduire et persuader ceux qui l’écoutent.
Et un homme intelligent ? Il pense qu’il peut comprendre les choses… et utiliser son cerveau pour créer le genre de monde qu’il veut.
Pourquoi n’y parvient-il pas ? Parce que peu importe combien on est intelligent… le monde est bien plus complexe et bien plus nuancé qu’on peut l’imaginer. Tenter de le contrôler mène toujours à la catastrophe.
Bill Bonner la chronique Agora
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