L’économiste Frank Knight avait théorisé à sa manière cette différence entre contexte risqué, où l’on connaît les états futurs possibles et on peut leur attacher chacun une probabilité d’occurrence (jouer aux dés), contexte incertain où les états futurs possibles sont connus mais pas leur probabilité respective d’occurrence (qui sera le prochain président des Etats-Unis ?), et l’incertitude radicale, où les états futurs sont inconnus (voire inconnaissables) et leur probabilité d’occurrence tout autant inconnue ou inconnaissable (l’histoire future de la vie sur Terre).
Ce ne serait donc pas seulement une question de « s’adapter une bonne fois pour toutes » à « un » changement climatique, ni même de mettre en œuvre des stratégies de « gestion du risque » classiques mais en réalité, de « s’adapter et se relever en permanence » .
Une tendance certaine à l’incertitude de plus en plus radicale donc.
On entrerait donc là dans des stratégies de « résilience » (à l’incertitude radicale) et non d’adaptation (au risque probabilisable), où l’on doit rechercher des « heuristiques » robustes, face à l’incertitude.
Certaines fonctionnent déjà contre le risque, comme l’ancienne « diversification du risque » (c’est-à-dire grosso modo la biodiversité et la multiplication des variétés et des « paris sur l’avenir » dans les plantations annuelles) et d’autres sont davantage utiles face à l’incertitude, comme les stratégies « antifragiles » de Nicholas Nassim Taleb, si elles existent en agriculture, c’est-à-dire des cultures qui se montrent profiter un tant soit peu des aléas…
On pourrait ajouter à cela une vielle manière de vivre pour l’homo sapiens : la chasse, la cueillette, et le nomadisme, que certains aujourd’hui appelleraient de façon euphémiste « migration économique ».
Il s’agit, en termes de risques et d’incertitude, de faire de la « diversification territoriale » (ce que nombre de milliardaires, notamment membres des GAFA -celles qui détruisent la planète- font déjà en s’établissant un petit pied à terre en Nouvelle-Zélande par exemple).
Dès lors ce serait la notion même du Cosmos qui sera bouleversée, la notion du Temps (temporalité) et la notion du temps (météo et climat), ainsi que la notion de Causalité et de Loi (puisqu’on ne pourra plus se fier à aucun historique de cause à effet pour prendre des décisions vis-à-vis du futur).
Voici donc venu le temps de l’incertitude radicale et de l’impermanence. Le temps où la seule certitude est l’incertitude, où la seule permanence est l’impermanence.
On va vraiment voir si l’espèce humaine est si formidablement adaptative, résiliente… ou pas.
Quelle serait la nouvelle éthique de ce temps de l’incertitude radicale ? On peut prédire en tout cas un grand succès au Bouddhisme et au Stoïcisme, ainsi qu’au Tao, pour accompagner ces « collapsonautes ».
Quelle ironie ce serait pour l’humanité, de retourner à son mode de vie ancestral semi-nomade !
Pour paraphraser Albert Einstein, on ne sait pas avec quelles armes on fera la troisième guerre mondiale, mais la quatrième se fera à pied et à cheval.
Extraits d’un article de Cedric Chevalier sur le blog de Paul Jorion www.pauljorion.com
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