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Nov 21

HP

[Le début de la fin de la société de force qui éliminera tous les dinosaures]-alpha.b

 

C’est un véritable séisme qu’a provoqué la direction de Hewlett-Packard (HP) mardi 20 novembre. Le groupe d’informatique a annoncé une perte record de 12,6 milliards de dollars (près de 10 milliards d’euros) sur l’année qui s’achève le 31 octobre du fait, notamment, d’une charge exceptionnelle de 8,8 milliards de dollars pour couvrir des pertes liées à Autonomy. Cette société britannique de logiciels avait été rachetée au prix fort (11,1 milliards de dollars) en 2011. Selon la direction de HP, ces pertes seraient dues à une fraude massive des ex-dirigeants d’Autonomy.

 Ceux-ci auraient maquillé les comptes de l’entreprise, deuxième groupe européen de logiciels après l’allemand SAP, avant son rachat par HP. Meg Whitman, la patronne du groupe d’informatique, a accusé la direction d’Autonomy de l’époque d’avoir « gonflé les données financières de l’entreprise afin d’induire en erreur les investisseurs et les acheteurs potentiels. » La réaction des intéressés n’a pas tardé.

 Mike Lynch, fondateur et patron d’Autonomy puis membre de la direction de HP après le rachat en octobre 2011, s’est défendu dans un entretien au Wall Street Journal. « Nous rejetons ces accusations. Je ne comprends pas comment on peut déprécier pour près de 9 milliards de dollars d’actifs et dire que ça a été causé par quelque chose qu’on n’avait pas remarqué au moment de l’examen approfondi de la société par 300 personnes. »

 Léo Apotheker, patron de HP à l’époque du rachat s’est dit « stupéfait et déçu d’apprendre les irrégularités comptables présumées. » Or, selon des sources concordantes, HP ne s’est penché sur les comptes d’Autonomy qu’après le départ de M. Lynch de la direction du groupe, en mai 2012. Un employé aurait alors suggéré aux dirigeants de jeter un œil aux documents comptables de la société.

 VAISSEAU EN DÉSHÉRENCE

 Résultat des courses, le groupe californien va porter plainte auprès des autorités financières américaines et de l’office des fraudes graves du Royaume-Uni.

 L’acquisition d’Autonomy devait permettre à HP de monter dans la chaîne de valeur en proposant de plus en plus de services à ses clients. Mais déjà au moment du rachat, des voix s’étaient élevées pour critiquer la trop grosse somme consentie par HP et M. Apotheker. « Dix fois ses revenus », remarque Amit Daryanni de la banque RBC Capital Markets.

 Sans compter que l’intégration d’Autonomy au sein d’HP « a été déplorable », estime Peter Misek, de la banque Jefferies. « Des problèmes de revente des produits aux clients sont apparus et la croissance liée à Autonomy au sein d’HP s’est réduite comme peau de chagrin au bout de deux trimestres ! On en voit les conséquences : HP a détruit de la valeur avec cette acquisition », précise M. Misek.

« On peut se demander ce qu’attend le conseil d’administration pour démissionner, se demande un autre analyste. A part M. Apotheker, tous ceux qui ont approuvé le deal sont toujours là. » M. Lynch, le fondateur d’Autonomy, estime, lui, que sa société était « leader mondial dans son domaine » et a « été détruite en moins d’un an » par HP.

 Cette débâcle est, selon les mots de M. Misek, « la conclusion rocambolesque d’une ‘annus horribilis’ pour HP ». L’entreprise a en effet été confrontée aux errements stratégiques de M. Apotheker. Outre Autonomy, celui-ci avait acheté Palm, en juillet 2010, pour 1,2 milliard de dollars dans l’idée de récupérer WebOs, son système d’exploitation. Quelques mois à peine après l’opération, il s’était fendu d’une déclaration annonçant la mort prochaine du logiciel tant convoité ! Il ne s’était pas arrêté là, indiquant vouloir se séparer de la division PC, cœur de métier historique du groupe, provoquant alors l’émoi sur les marchés et le contraignant à la démission.

 Confronté à de terribles difficultés financières, HP, numéro un du PC jusqu’à peu, a donc dû annoncer une importante restructuration. La fusion de certaines divisions ainsi que le départ de plus de 27 000 salariés doivent lui faire économiser deux milliards de dollars d’ici fin 2013.

 Arrivée à l’été 2011, Meg Whitman a pour mission de redresser la barre d’un vaisseau en déshérence. « Elle a de la volonté et de bonnes idées ; en témoigne la restructuration, la concentration sur certains marchés clés. Mais les problèmes de cette entreprise sont bien trop profonds et je doute vraiment qu’elle arrive à sauver HP », conclut un analyste.

Sarah Belouezzane    Le monde.fr

 

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