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Déc 14

Dieu

 

Il se fait que s’est opéré récemment dans mon esprit, à l’occasion d’une retraite, une réconciliation radicale entre « la religion » et « la paix ».

Il n’y a là, dans mon chef, aucune naïveté ni déni du réel. Il ne suffit en effet pas de dire : « notre religion est porteuse de paix » pour qu’elle le soit effectivement. Ça, c’est une constatation assez facile. Je suis également entièrement de votre avis sur le fait que l’enseignement du Christ, dans sa radicalité, a jusqu’à présent été extrêmement mal compris par la très grande majorité de ses disciples. Mais, pour paraphraser les bouddhistes, nous pourrions appeler cela « la voie longue ».

La voie longue serait alors celle qu’emprunte l’humanité depuis qu’elle a conscience du « mal » (événement relaté dans la Bible par le récit mythique de la « chute », c’est-à-dire l’acquisition par l’homme de la « connaissance du bien et du mal ») : chacun projette le « mal » à l’extérieur de lui, et ça donne, exactement comme vous le remarquez, que puisque Dieu est de mon côté, l’autre côté, c’est celui du « mal », et puisque Dieu me « demande » d’éliminer le « mal », la conclusion est vite déduite.

Mais il y a aussi une voie « courte », et c’est précisément la voie radicale proposée par le Christ. Elle consiste, grosso modo, à accueillir l’ennemi, celui qui est soi-disant porteur du « mal »… en commençant par constater que tout ce que j’appelle « mal » est une projection de ma propre conscience divisée en deux entre « bien » et « mal » (je porte la « chute » à l’intérieur de ma conscience, mais ce n’est pas un héritage du passé, je suis co-responsable de cette situation). Le « bien » est – bien entendu ! – de mon côté, et le « mal »,… projeté à l’extérieur. Je pourrais donc en déduire que la religion chrétienne a été vécue jusqu’ici, par beaucoup de ses adeptes (mais pas tous !), de façon « diabolique » : le porteur du mal, c’est le gars dans la tranchée d’en face.

Mais ceci n’est pas un privilège des religions, nous sommes tous concernés ! Et pourtant, la quête de la paix est une quête qui traverse toute l’humanité. Pour donner un exemple personnel, j’ai constaté que lorsque je me donne l’impression d’avoir « raison » et que l’autre, en face, a « tort », et que j’essaye de le convaincre, je perds la paix intérieure. J’ai donc décidé d’arrêter – autant que faire se peut, car « on ne se refait » que très lentement – ce petit jeu-là.

Et tout particulièrement pour ce qui concerne la religion.

Car il n’y a pas de raison que les religions théistes s’approprient quoi que ce soit, que ce soient des mots, des idées, des réalités. Saint Paul le prophétise : les religions disparaîtront, mais ce qui ne disparaîtra pas (« ne passera pas »), c’est l’amour.

Pourquoi, alors, s’acharner sur « Dieu » ? Pourquoi préconiser – que dis-je, prôner – une religion athée ? A quoi pourrait-elle bien servir ? N’est-ce pas pure perte de temps et d’énergie que cela ? Pourquoi ne pas laisser les croyants être croyants et les athées être athées, tout en recherchant, ensemble, les solutions à nos problèmes ? Alors vivons, aimons, et surtout, arrêtons de voir « le mal » en dehors de nous… si ce « mal » n’est qu’une projection de notre propre conscience divisée en deux.

C’est une intuition qui m’a été soufflée à l’oreille, mais que j’ai fait mienne, de penser l’homme, dans sa quête de paix, comme étant fondamentalement un être de paix. De penser qu’en fait, cette paix, si nous la cherchons, c’est parce que, fondamentalement, c’est ce que nous sommes nous-mêmes. Ce qui, par conséquent, nous montrerait à quel point nous nous voyons très rarement tels que nous sommes !

La barre très haut, en effet. Mais, en effet aussi, rien de décourageant, bien au contraire !

Pour ma part, c’est cela, à partir de maintenant, auquel je m’emploierai « de tout mon cœur, de toute mon âme et de tout mon esprit ». Il s’agit à présent pour moi de suivre ce conseil de Saint Séraphin de Sarov : « Acquiers la paix intérieure et une multitude d’hommes trouveront leur salut auprès de toi ».

Il ne s’agit pas de « jouer au sauveur », bien au contraire. Il s’agit de faire un pari : celui de croire que je suis, effectivement, fondamentalement un être de paix, et donc d’œuvrer à la coïncidence avec mon être profond. Et peut-être qu’un jour je découvrirai avec joie que la promesse liée au conseil de Saint Séraphin (et dont on trouve des similitudes dans nombre de textes bouddhistes) est une réalité.

 En attendant, si ça ne me fait pas de bien, au moins, ça ne me fera pas de mal !

 

Extraits d’un article d’un chrétien de gauche  sur le blog de Paul Jorion www.pauljorion.com

 

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