DESINDUSTRIALISATION – POUR QUI ? – Rappels irritants
D’ici très peu nous n’aurons plus rien à vendre à l’étranger, ne produisant plus grand-chose et ayant vendu aussi les savoir-faire. Après avoir épuisé notre capacité d’endettement nous accélérerons la régression en termes de niveau de vie et se posera alors la dramatique question de sa répartition sans violence d’état.
C’est vrai qu’avec des coûts de production largement supérieurs aux coûts des nouvelles nations industrielles on voit mal que faire. Fermer les frontières unilatéralement serait probablement proche du suicide.
Dire « c’est la mondialisation » correspond à une forme de réalité mais reste essentiellement une tromperie. Elle n’existe que par la volonté de ceux qui ont œuvré à son arrivée. Demander par qui elle a été voulue est donc opérationnel : il ne faut plus leur confier le gouvernail.
Cherchons donc dans le passé immédiat.
Qui voulait l’ouverture des marchés par mondialisation ? :
· Les peuples du tiers monde afin d’exporter pour financer leur industrialisation et sortir de la misère (d’ailleurs nos industrie le leur imposait aussi en retour). Ils s’appuyaient surtout sur leurs faibles coûts de main d’œuvre et l’absence de contraintes écologiques, sociales et sanitaires. Ils ont eu l’outil mais peu de résultats.
· Les industriels occidentaux pour exporter leur production domestique et profiter des faibles coûts de production pour conquérir des marchés. L’affaire s’est retournée contre eux.
· Le monde de la finance pour profiter d’opportunités plus larges et améliorer les rendements des placements financiers (investissements productifs et/ou pure spéculation, fiscalité attrayante voire nulle). Ce sont les seuls bénéficiaires réels aujourd’hui avec ceux qui les suivent.
· Les mafias et oligarchies pour s’affranchir des contraintes économiques de tous ordres et faire fructifier comme ci-dessus leurs revenus. Voir § précédent.
· Les penseurs libéraux pour vérifier in vivo leurs thèses. On les entend moins désormais. Aussi n’en parlerons-nous plus ici.
Tous semblaient d’accord effectivement. C’est pourquoi ce fut fait mais les gains furent inégaux
Qui a gagné ? – Des gains inégaux
Les nations du tiers monde devenues émergentes ont su tirer parti du jeu et l’ont fait à deux conditions.
A l’intérieur elles ont freiné souvent autoritairement avec le concours des oligarques et des mafias les augmentations de pouvoir d’achat. Pour l’extérieur elles ont entrouvert leurs marchés contre échange de technologie et de compétence.
On entendait alors en France et ailleurs des tartarinades « Nous on n’a pas de pétrole mais des idées » ou plus tard « Notre richesse et notre avenir est dans la matière grise et les services et pour longtemps ». Faux j’ai suivi de l’intérieur le bradage du savoir faire pour conquérir à court terme et de manière non durable des marchés pour satisfaire les ratios de cash des financiers.
Ces nations ont bien fait.
Les nations occidentales ont joué à court terme comme leurs entreprises.
Dans l’ambiance néo libérale ambiante, elles ont renoncé à toute politique économique réelle, fut elle simplement incitative, se cantonnant à des politiques de défiscalisations essentiellement clientélistes. Elles ont laissé vendre de moins en moins de cambouis et de plus en plus de savoir faire.
Quelle université publique ne montrait pas fièrement ses étudiants exotiques s’écriant « Voilà les futurs clients de nos entreprises » ? Ce furent des chevaux de Troyes (on dit benchmarking en now-langue).
Ne vendant plus ou plus rarement il fallut s’endetter pour maintenir le niveau de vie. Aux Etats-Unis les ménages le firent en direct. L’Europe fut plus contrastée, certains états s’impliquant plus directement dans la dette. Voici deux ans à peine notre président vantait encore la pratique étasunienne, libéralisme au petit pied oblige.
Aujourd’hui les créanciers rechignent. Parlons-en.
Le système financier s’était lassé d’attendre les résultats : il a pris le pouvoir.
Des dividendes ridicules à 2, 3 péniblement 4 % engrangés par l’industrie pendant les 30 glorieuses étaient ridicules. D’autant que les ingénieurs en réclamaient une partie importante pour financer l’investissement productif. Pendant ce temps des génies de la finance commençaient à sortir du 15, 20 % avec des produits sophistiqués permettant d’engranger stocks options et bonus divers, sans avoir ingénieurs et salariés en travers du chemin.
Grâce à des montages sophistiqués et une ferme déréglementation « pour faire face à la concurrence planétaire des autres » pour « créer de la valeur pour l’actionnaire à court terme », on mit aux commandes des financiers à la place des ingénieurs.
Puis on vida illico les entreprises occidentales de leurs équipements, carnets d’adresses, fichiers clients, immobilier, savoir faire et autres éléments de patrimoine, que l’on recycla notamment par la délocalisation.
On plaça enfin des hommes liges aux commandes politiques des états importants et de l’Europe.
C’est le seul groupe qui tire profit de la situation d’aujourd’hui avec les mafieux, oligarques et penseurs néo libéraux.
C’est pourquoi il faut au moins les avoir sous surveillance. Il semblerait que l’on ne s’en donne pas vraiment les moyens en dépit des déclarations martiales périodiques de certains. Ni G20, ni Europe, ni gouvernement Américain ne résistent vraiment aux lobbys financiers. Le souhaitent-ils vraiment d’ailleurs ?
Tous impliqués dans la glissade
ceci n’absout pas les corporatismes de tous ordre :
Ceux qui sous le couvert honorable du service public ont discrédité l’état et ses serviteurs auprès de l’opinion publique. Ils ont mis à mal la confiance dans les institutions en les transformant en outils à leur service.
Je parle aussi des professions libérales, de santé et de service. Elles ont, avec la distinction qui les caractérise, sans défiler mais en vendant leurs suffrages, contribué à l’avènement du néo libéralisme.
Les premiers capitalisaient dans la sécurité d’un statut sclérosant. Les seconds parasitaient avec les premiers les efforts de production du tiers état industriel qui, le nez dans le guidon, s’évertuait à préserver les marges.
Aucun n’a vu venir la menace extérieure, occupés qu’ils étaient à protéger leurs « droits acquis » pour les uns et « la reconnaissance » sonnante et trébuchante « de leur statut d’élite » pour les autres.
Ceci n’absout pas les ingénieurs et ceux des ateliers.
Ils créaient la richesse collective. Ces chiens et chats s’opposaient souvent mais ils se retrouvaient unis autour de l’outil industriel. Penchés sur leurs calculs, leur logistique, leur qualité-produit, leur productivité, empêtrés avec des syndicats envahissants mais pacifiques ils n’ont pas vu les coups venir et somme toute, de type soumis, ont fait confiance.
Ils ont commencé par laisser le pouvoir aux gens du marketing au temps des gadgets. Puis ils ont laissé ceux-ci faire alliance avec les gens de la finance depuis l’ère radieuse de la création de valeur pour l’actionnaire. Dès lors ils ont perdu la maîtrise de leur destin et nous avec eux.
Pourtant, eux savent ce que construire à long terme veut dire. Mais on ne leur demandera pas : le marché y suffira.
Il est peut être encore temps qu’ils renversent les coalitions pour sauver ce qui peut l’être.
Ceci n’absout pas grand monde et n’est pas fini :
J’ai assisté au glissement et n’ai rien fait ni dit. J’étais centré moi aussi sur mon court terme. Je n’ai pas même pensé alors que nous irions jusque là : au bord de la tiers mondialisation et d’un état autoritaire.
Le processus s’accélère et s’achèvera bientôt, les derniers bijoux de la famille étant vendus. Il est question de vendre la technologie nucléaire à quelques clients du Moyen Orient. Airbus sera bientôt concurrencé par des avions asiatiques copiés collés, l’industrie automobile achève sa délocalisation en échangeant sa technologie contre le droit de construire chez les oligarques des nations émergentes.
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