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Juin 30

Courage

[Une tranche de vie et un grand moment de vérité, si tout cela est vrai. Mais même si cela ne l’est pas totalement, il y a de quoi interpeller !]-alpha.b

 

 

Nous vivons quelque chose « d’historique » (mais tout ne l’est-il pas, finalement, pour l’orgueilleux Occident ?) Tout s’effondre – et tous ici, qui sommes à lire ce blog, à débattre de cette Grande Perdition, nous ne pouvons – nous le croyons – que regarder, que constater cet effondrement,

Quand j’étais petit, je rêvais de faire de nombreuses choses (cela n’a fait depuis qu’augmenter, en réalité). Adolescent, je fis quelque chose qui me plaisait : des études qui coûtaient de l’argent à une famille pauvre (quel luxe !) soit des études d’arts appliqués, puis continuant sur ma lancée rêveuse, des études d’arts plastiques, rêvant d’obtenir le diplôme, le concours, le sésame afin d’enseigner les arts… Quelle chance ai-je eu !! Mais la cruauté de la réalité, à laquelle je suis sans cesse confronté m’a rapidement rappelé qu’il me fallait payer mes factures, car je n’ai pas gagné le sésame tant espéré.

Le sort en a ainsi fait autrement : me voilà m’occupant depuis plusieurs années de délinquants et criminels derrière les barreaux, afin qu’ils ne perdent pas totalement pied avec la société (non pas avec la réalité cruelle qu’ils connaissent souvent mieux que les lecteurs du blog qui connaissent confort et stabilité en général), tout en leur donnant l’espoir qu’ils peuvent, en sortant, reprendre petit à petit le pouvoir sur leur vie déliquescente. Ces personnes détenues (parmi lesquelles : des médecins, des avocats, des chefs d’entreprises, etc. – pas de banquiers et politiques bizarrement) sont le plus souvent, déjà brisées avant d’arriver. Chômage, précarité, isolement, vivant à la rue (ou repassant par les horribles centres de rétention), polytoxicomanes, délinquants, voilà en gros le profil-type. « La crise », ils ne font que la subir de loin quelque part : car leurs problèmes personnels, dérisoires pour nous qui sommes dans le confort, sont immenses pour eux.

À l’autre bout de la chaîne humaine, très loin d’eux : les technocrates, nationaux, euro-technocrates et internationaux ; les banquiers ; les industriels ; tous ces gens qui décident de leurs vies. Dont les problèmes ne sont pas ceux du peuple (et encore moins ceux des personnes détenues) mais ceux de leur caste, à savoir : comment les peuples vont-ils rembourser l’ardoise qu’ils ont fait écrire ? Comment les nations (cela existe-t-il encore ?) vont-elles nationaliser les pertes privées… pour leur profit ? Comment faire comprendre aux peuples que cela est dans leur intérêt de sauver, de renflouer, de redonner vie aux banques-zombies ? Comment rester crédibles et responsables ou donner cette apparence d’être crédibles tout en niant la réalité et se montrant irresponsables ?

Je suis désormais adulte, et avec un emploi stable, et gagnant raisonnablement ma vie (juste assez pour nous faire vivre) mais, surtout, depuis que je suis père, ma vision de l’existence a radicalement changé . Ma conscience de la responsabilité envers autrui, de père comme de citoyen a considérablement crû. Pour ma femme, handicapée, et mon unique enfant, j’ai la responsabilité de tout faire pour leur assurer le meilleur présent et futur.

J’ai conscience que je ne suis pas le seul dans le bateau : nous y sommes tous. Car regarder faire, c’est être complice, je vous en assure. Einstein en savait long sur le sujet. C’est vrai.

Voilà mon cas de conscience, qui me hante chaque jour depuis que j’ai appris que j’allais devenir père. Voilà MA responsabilité. Les « Responsables » par contre, les « Autorités » n’ont semble-t-il pas cette conscience-là. En tous cas, voilà mon fardeau. Et le sujet de ce billet. Pourquoi ?

Quand j’étais ado, j’ai participé à la misère de mes parents ouvriers longtemps au chômage, qui n’étaient pas des gens intellectuellement élevés, qui n’avaient rien réussi dans leur vie (sauf la plus grande chose : l’éducation ; je remplissais toutes les conditions pour développer ensuite… une délinquance !). Car j’ai vécu 20 ans il faut le dire, dans un taudis, sans eau chaude, ni salle de bain, avec WC hors du logement, murs en torchis, etc. Et de faibles revenus avec un compte toujours dans le rouge. Dans la France récente, certains s’accommodent de telles conditions de survie. Pour moi qui côtoyait des camarades de classe qui ne connaissaient que l’inverse (la norme), nous étions une exception dont tout le monde avait honte. J’en avais honte, et ma sœur a développé la même névrose. Nous étions une exception, à ce temps T et en ce lieu L. Mon adolescence fut ainsi une période extrêmement douloureuse dans mon existence. Mais celle-ci, que nous vivons depuis plusieurs années, et surtout depuis 2 ans que je suis père, en est une nouvelle.

Car j’en ai voulu, terriblement, à mes parents, d’avoir connu tant d’humiliations, de honte, etc. Tant de mes camarades vivaient dans le confort et la dignité, et « consommaient » aisément. Moi, je connaissais bien Secours Populaire et Catholique, Restos du cœur, CCAS… Heureusement, jusqu’ici ma fille n’a jamais connu cela – ni ma sœur et ses enfants.

Ce billet n’est pas rédigé pour que je vous raconte ma vie.

Non, mais il l’est pour qu’un sursaut de conscience, puis de courage, vous saisisse, vous électrifie. Pourquoi, encore une fois ?

Nous qui observons le désastre, la Grande Perdition, le « retour vers le futur » à grande vitesse, attendons cette étincelle qui nous embrasera et nous donnera le courage de surmonter nos peurs et notre attachement à nos vies afin d’oser tout miser sur le bon cheval : le monde dont nous rêvons.

Nous vivons « une époque » sans courage, sans courageux, et donc qu’il en faut désormais. Car vous, moi, ma femme et ma fille, et plein d’autres, avons besoin de voir autre chose que des lâches, des cancres, des êtres faux, égoïstes, à la tête des Etats, des BCE-FMI-BRI-BM, etc. etc.

Alors bon, s’engager, pour autrui, pour des rêves, pour un autre monde, oui : pas celui de notre esprit soliloque, non, celui que nous rêvons pour tous, pour autrui. Il faut être altruiste pour cela. Sans quoi… c’est toujours pour soi, in fine, que l’on fait les choses : pour satisfaire son ego, qui adore la masturbation mentale.

Mais comment ? On commence par soi. Pour donner l’envie aux autres qu’ils agissent comme il aimerait qu’on le fasse, on se rectifie, s’analyse, se jauge avec impartialité, on devient un exemple, un modèle à suivre. On devient, courageusement, comme on aimerait qu’autrui, cette vaste humanité, devienne.

On se change : pour le bien des autres. Pour le bien de mon enfant, je me discipline afin qu’elle ait une bonne image de moi, que je puisse devenir sa référence, son modèle pour se construire, qu’elle ne m’en veuille pas comme j’en ai voulu à mes parents, d’avoir vécu dans la misère profonde.

 Cela implique une vigilance constante, permanente à mon égard. Je me connais ainsi mieux (sachant ce qu’il faut corriger ou développer) et je sais où je veux aller : voilà qui devrait inspirer « nos dirigeants » ! Ça c’est pour ce qui me concerne, c’est ce que je peux travailler de moi. Pour autrui, pour ce qui concerne autrui : comment agir ?

Au niveau local, cela passe par l’humanitaire. Il y a tellement à faire… Moi qui travaille avec les personnes détenues, je puis vous assurer plusieurs choses : tout repose sur l’éducation : les fréquentations, les conditions de vie globales, l’égalité et la fraternité…

Montrez aux autres que vous êtes à leur écoute, que vous essayez de les soutenir au moins temporairement. Femmes battues, prostituées, étrangers, SDF, précaires, étudiants, toxicomanes, etc. : ce sont eux les plus démunis. Comment une société ne pourrait-elle pas s’effriter si l’on abandonne ses plus faibles ? Un sucre fond par la face la première posée sur l’eau…

L’époque manque de héros, de courageux pour qui la vie d’autrui et de la société compte plus que le peu d’années pendant lesquelles ils ont eu l’opportunité d’agir vraiment sans rien en faire d’autre que d’hésiter sur la direction à donner à sa vie. L’époque compte par contre des myriades de lâches.

Tout cela relève donc de la conscience, du cas de conscience : quel sens donnons-nous à notre vie ? Si, apprenant que demain nous devons mourir, l’on nous demande : quel est le bilan de ton existence ? Qu’auriez-vous à répondre ? Vous étiez-vous engagé ?

Qu’avez-vous fait, pour améliorer votre présent (qui devient votre futur) et surtout celui d’autrui, celui de vos enfants avec qui vous vivez ? Personnellement, localement, nationalement : qu’avez-vous fait de ces opportunités de donner du sens à votre vie, et un modèle et du courage aux autres ?

 

(Larges) extraits d’un billet sur le blog de Paul Jorion  « un monde meilleur n’apparaîtra pas de lui-même »   www.pauljorion.com

 

 

 

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