[ Un excellent résumé de la situation : La machine est cassée et rien ne pourra la faire repartir. Tout au plus peut on donner le change en faisant en sorte que peu de gens s’en aperçoivent et ce coûte que coûte, d’autant qu’on le paye avec de la fausse monnaie gagée sur le patrimoine des citoyens, de quelque pays qu’ils soient.
Pour aller où ? Nulle part et pour combien de temps, personne ne le sait sauf qu’il est compté.] –alpha.b
Le feuilleton n’est pas terminé. Un nouvel épisode du sauvetage de la Grèce à peine terminé – en attendant les suivants – le doute s’insinue déjà : « est-ce que tout cela en vaut bien la peine ? ».
Au prétexte que les Grecs ne sont décidément pas capables de tenir leurs engagements, l’éventualité d’un défaut et d’une sortie de l’euro de la Grèce n’est plus tabou et revient d’actualité. Comme si on avait fini par comprendre que l’exercice qui est imposé allait immanquablement finir par couler le navire et qu’il valait mieux s’y résoudre, maintenant que la BCE avait calmé le jeu du côté des banques et sur le marché obligataire.
Que la crise sociale montante et sa traduction politique allait le rendre totalement ingouvernable, pris dans la tourmente de la récession. Selon une première estimation grecque, le PIB se serait contracté sur un an de 7% au quatrième trimestre de 2011, c’est sans appel.
De leur côté, les agences de notation en profitent pour ne pas jouer le jeu. Quand la notation des banques n’est pas abaissée – les quatre principales espagnoles étant les dernières en date sur les tablettes de Fitch – ce sont les États qui en subissent les foudres.
C’est le cas aujourd’hui de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal, tandis que la France, la Grande-Bretagne et l’Autriche sont placées sous « perspective négative ». Raison centrale invoquée par l’agence : « le fait que les perspectives pour l’économie européenne sont de plus en plus médiocres, ce qui menace la mise en œuvre des programmes d’austérité et les réformes structurelles nécessaires pour promouvoir la compétitivité ».
Les prévisions de croissance de l’Allemagne de l’OCDE pour cette année, révélées par le ministère de l’économie du pays, éclairent l’analyse de Moody’s. Il est prévu une croissance de 0,4%, très en retrait des 3% de l’année dernière, en dessous de celles du gouvernement et de la Bundesbank. Le niveau réduit de l’activité économique – quand il ne s’agit pas de la récession – est au centre des préoccupations des dirigeants occidentaux.
Il y a moins d’une semaine, constatant la contraction de l’économie de 0,2% au dernier trimestre 2011 et craignant qu’il en soit de même ce trimestre, la Banque d’Angleterre avait décidé l’acquisition pour 60 milliards d’euros d’obligations souveraines, s’ajoutant aux 200 milliards déjà affectés à son programme d’assouplissement quantitatif. Une nouvelle tranche pourrait suivre en mai prochain.
Confrontée à une déflation persistante, la Banque du Japon vient de lancer une nouvelle opération d’achats d’obligations souveraines pour une centaine de milliards d’euros, faisant suite à celle d’octobre dernier. En rythme annualisé, le PIB a reculé de 2,3% entre octobre et décembre derniers, et il est nécessaire de financer les nouvelles mesures de relance publiques, sous la forme d’enveloppes budgétaires affectées à la reconstruction des zones dévastées, totalisant déjà plus de 200 milliards d’euros mais n’ayant encore été que peu débloquées.
La hausse du yen, la désorganisation de la production suite au séisme et au tsunami et la faiblesse de la demande sur les marchés occidentaux concourent à brider les exportations, principal moteur de l’activité économique japonaise.
Dans un contexte déflationniste prononcé, la Fed s’apprête à acheter des titres sur le marché afin de soutenir l’économie américaine. 2.300 milliards de dollars ont déjà été injectés dans les circuits financiers, accréditant la thèse de ceux qui pensent que les Etats-Unis sont eux aussi tombés dans une trappe à liquidité et que le phénomène se généralisera dans l’économie occidentale.
La baisse du taux de l’inflation est la préoccupation majeure du Comité de politique monétaire de la Fed, selon le compte-rendu de ses débats, ce qui conduit la Fed a annoncer une politique « hautement accommodante » (un taux directeur entre 0 et 0,25%) jusqu’à 2014. Mieux, on ne peut pas !
Ainsi que vient le rappeler Ben Bernanke, le président de la Fed, le marché immobilier américain est plus que jamais sinistré et fait selon lui obstacle à la reprise économique : les prix, en clair, continuent de descendre, en dépit de taux « historiquement bas ». On ne saurait mieux reconnaître son impuissance, les banques ayant durci leurs conditions de prêt.
Les saisies immobilières se poursuivent, les mesures gouvernementales ayant pour but de stabiliser le marché ayant failli, la menace représentée par Fannie Mae et Freddie Mac – qui possèdent ou garantissent près de la moitié du marché hypothécaire américain (5.000 milliards de dollars sur 12.000 milliards) – est toujours pendante. Le déficit budgétaire de l’année en cours est quant à lui estimé à 1.300 milliards de dollars (8,5% du PIB).
Quelle leçon tirer de ce panorama ? Qu’il est urgent que la BCE suive ses consœurs et cesse de pratiquer une quasi création monétaire pour s’y lancer franchement ? Ou qu’il se confirme que les programmes d’assouplissement quantitatif des banques centrales occidentales se suivent et que l’économie ne décolle toujours pas ? Que les liquidités dispensées sans compter circulent en circuit fermé et que le financement des États – quand il est admis – n’apporte pas plus de solution que la réduction précipitée de leurs déficits, si elle se confirme ?
Le système ne s’écroule pas brutalement mais il reste comme figé dans une état critique sans issue : voilà ce qui est péniblement acquis. Un fragile surplace afin de gagner du temps, mais pour quoi faire ?
Billet de François Leclerc sur le blog de Paul Jorion www.pauljorion.com
Commentaires récents