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Juin 16

Small is beautiful 2

La crise actuelle est d’abord vécue par les grandes entreprises dominantes comme un ensemble de contraintes supplémentaires qui se gèrent par une série de mesures « appropriées » : réduction d’effectif, pression supplémentaire qui se propage vers les sous-traitants et les partenaires, adaptation des capacités de production quand il paraît évident que le marché ne retrouvera pas de sitôt son niveau antérieur, la panoplie est bien connue.

 La crise perdurant, il se fait jour dans le monde de l’entreprise un discours sur la nécessité de réformes structurelles, les fameux discours sur la compétitivité largement relayés par les médias et le monde politique. À cette démarche somme toute sans surprise s’ajoutent des envolées lyriques sur la nécessité du changement et de l’innovation, seule garantie d’échapper à la crise.

Ce qui subsiste entre les lignes de ces discours, c’est l’expression nue de la loi du plus fort, l’espoir que la stratégie que l’on va mettre en œuvre permettra de se différencier des concurrents (en d’autres termes, de les éliminer). La crédibilité du discours sur le changement est d’autant plus sujette à caution qu’en réalité, dans le monde assez réduit des entreprises dominantes, tout le monde à l’œil rivé sur la stratégie de son voisin.

La technologie a permis de changer constamment les produits offerts au client, sans que les bénéfices qu’en tire le consommateur soient toujours évidents. Que dans cette course au changement, des entreprises disparaissent ne fait que justifier ex post cette stratégie de l’innovation permanente. Elle n’a pourtant pas changé fondamentalement la nature de la concurrence ou de la production depuis l’apparition de la norme de consommation à la fin des Trente Glorieuses.

En réalité, il y a une inertie énorme de la part des grandes organisations qui travaillent avec des processus et une organisation commerciale complexe, des outils de production lourds et souvent peu flexibles quand l’entreprise dominante produit encore elle-même. Les préoccupations sont avant tout de l’ordre de l’opérationnel, l’ampleur des changements que l’on peut en attendre est au mieux très limité, au pire préjudiciable à l’ensemble de la société. Il n’est à aucun moment question de remettre en cause un mode de production ou un mode de commercialisation.

Un dernier aspect du discours d’entreprise relève de la propagande pure et simple. L’entreprise « éthique », « responsable », est aussi rare que l’entreprise ne pratiquant pas l’évasion fiscale

 La seule vraie mesure de l’éthique d’une entreprise, c’est sa politique quotidienne en matière sociale et écologique, et cela sur tous les sites exploités en propres, mais aussi chez les sous-traitants auxquels le travail est confié.

Le monde de l’entreprise ne répondra pas naturellement aux enjeux de demain : partage du travail, production durable, écologie… Son inertie et sa réluctance aux changements autres que ceux concernant les produits ou les méthodes de commercialisation sont immenses.

 C’est donc au politique de fixer des visions au-delà des considérations opérationnelles. Faire bouger les lignes en profondeur pour répondre à ces défis revient à fixer des règles sur la durabilité des produits, leur fréquence de renouvellement, leur empreinte écologique globale, les modes de production.

 Au lieu de cela, les politiques confondent la demande des entreprises (entendez les réformes de compétitivité) avec une  demande structurelle. Ils ne comprennent pas (à moins qu’ils ne comprennent que trop bien) que ces réformes ne font que prolonger les règles actuelles de la compétition, où logiquement ne survivront que quelques grands prédateurs.

Décidément, « il fallait se dépêcher de tout changer afin que rien ne change » reste bien l’une des phrases clés pour notre compréhension de notre monde.

Extraits d’un article de Michel LEIS sur le blog de Paul Jorion     www.pauljorion.com

 

 

 

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