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Juin 18

Fragile

Nous vivons dans un univers naturellement complexe.

 Qu’il suffise de songer aux spéculations sur son origine ou sa fin, voire, plus prosaïquement, à la fiabilité des prévisions météorologiques ! L’univers est rempli d’interdépendances et d’interactivités non-linéaires auxquelles l’homme et la modernité ajoutent artificiellement des couches supplémentaires de complexité

Seule une compréhension des mécanismes de fragilité, de robustesse et d’« anti-fragilité » propres aux organismes vivants nous permettrait, écrit Taleb, de faire face à des situations où prédominent les inconnues inconnues (« the unknown unknowns ») et que nos connaissances sont insuffisantes à appréhender. Le philosophe anglais du XVIIIème siècle Adam Smith ne faisait-il pas d’ailleurs déjà allusion à ces notions de complexité et d’opacité en parlant de « main invisible » de l’économie dans La Richesse des Nations ?

Le monde est trop aléatoire et incertain pour baser une politique sur une prévisibilité du futur ou pour traiter notre univers comme une machine hyper-sophistiquée dont quelques génies assureraient la maintenance en suivant une quelconque notice explicative.

D’un point de vue méthodologique, il conviendrait, selon Taleb, d’appliquer un modèle décisionnel de type non-prédictif à l’incertitude dans les domaines économique et politique ainsi que dans la vie en général, partout où prévalent le hasard, l’imprévisibilité, l’opacité, une compréhension incomplète des choses.

En outre, il faudrait s’abstenir de priver les systèmes complexes des propriétés d’anti-fragilité qui leur ont permis de survivre aux aléas et facteurs de stress si l’on veut éviter de fragiliser lesdits systèmes, de les atrophier ou de les asphyxier par une approche « top down » mal avisée et inopportune.

D’un point de vue pratique, Taleb préconise en quelque sorte d’extraire le « systémique » des systèmes et de construire des environnements dans lesquels la chute de l’un ne met pas en danger ni ne touche tout le monde.

Sa diatribe la plus virulente, Taleb la réserve d’ailleurs à ce qu’il considère comme l’élément le plus fragilisant du monde actuel et responsable du plus grand nombre de crises, à savoir que, à aucun moment de l’histoire, autant d’acteurs économiques, sociaux et politiques « irresponsables » (en ce qu’ils ne sont exposés à aucun risque personnel par rapport aux décisions qu’ils prennent) n’ont exercé autant d’influence dans les affaires de la société et du monde.

En ce qui touche les entreprises par exemple (mais elles ne sont clairement pas seules à être concernées !), il faudrait en encourager le financement par capitaux propres plutôt que par l’emprunt

Un autre aspect auquel il faudrait prêter attention est celui de la dimension. Grandir ne constitue pas une garantie d’efficacité. Au-delà d’un certain seuil, les économies d’échelle s’inversent et s’insinuent des éléments de fragilité susceptibles d’avoir des effets dévastateurs.

« Small is beautiful ! » s’applique aussi à l’État. Taleb se pose en défenseur d’une décentralisation des pouvoirs comme facteur de contrôle et de réduction des déficits publics. En outre, compte-tenu des nombreuses « inconnues inconnues » du monde actuel, un certain degré d’humilité épistémologique devrait inciter les gouvernements à un interventionnisme moins naïf et à meilleur escient.

Dans le but d’éviter qu’un événement imprévisible n’ait un impact extrême (sur le plan de l’emploi, des finances publiques, de l’économie ou du bien-être en général), l’État serait avisé de contrôler et de limiter, par exemple, la taille des entreprises, la dimension des aéroports, les concentrations, les niveaux de pollution, la vitesse ainsi que, en tout premier lieu, le poids de l’appareil étatique lui-même dont l’obésité ne constitue aucunement une garantie d’efficacité.

Commentaires sur le livre de Nassim Taleb « anti fragile » de thierry  godefridi sur contrepoints.org

 

 

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