[Il court, il court le furet. Le Verbe va finir par nous coûter très cher et la ligne de crête par devenir bientôt impraticable car inexistante. Restera à faire un choix et beaucoup nous attendent]- alpha.b
Les débats tournent à la plus grande confusion tandis que les menaces se précisent depuis l’émission obligataire espagnole désastreuse de jeudi dernier. Cherchant à pénétrer les arcanes des marchés, les uns réclament plus d’austérité, d’autres une pause et plus de croissance, d’autres encore tout à la fois. Aucun ne semble avoir la maîtrise des événements.
Le problème déborde également le cadre européen, à la lecture de la lettre semestrielle de l’Institute of International Finance, qui regroupe les mégabanques internationales. « L’accent mis jusqu’ici sur l’austérité budgétaire, bien que dans une certaine mesure nécessaire pour les pays en difficulté afin de se financer sur les marchés, est excessive quand elle est généralisée », fait savoir ce dernier, car cela « a déjà contribué à une forte contraction de la demande intérieure de la zone euro dans son ensemble ».
L’institut plaide en conséquence pour « un rééquilibrage budgétaire plus progressif et différencié entre pays affaiblis… ». Enfin, il confirme qu’ « une expansion importante des ressources du Mécanisme européen de stabilité est nécessaire… », critiquant implicitement les décisions a minima prises par les ministres des finances européens.
Les représentants des plus grandes banques prodiguent une leçon de stratégie aux autorités européennes, appuyant sans les nommer ceux d’entre eux qui préconisent l’assouplissement du plan en cours d’application, l’adoption d’un plan A’ pendant qu’il est encore temps.
Car précisément le temps ne joue plus en faveur de ceux qui ne tentent depuis le début que d’en gagner. L’Europe n’a pas les moyens de faire face aux nouvelles convulsions qui s’annoncent, résultat direct et sans appel d’une stratégie aveuglement appliquée. Quand l’Espagne sera à son tour résolument entrée dans la zone des tempêtes, comment l’Italie pourra-t-elle à sa suite résister ? Avec comme conséquence l’éclatement chaotique de la zone euro ? « On ne joue plus ! » viennent d’annoncer les mégabanques, sans être certaines d’être entendues par des fondamentalistes inconséquents et dépassés.
Parmi ces idéologues d’un autre temps, Denis Kessler tient sa place. Le PDG du réassureur Scor, préconise l’adoption d’une « seconde règle d’or, selon laquelle pour réduire le déficit [public], 70 % devraient provenir de la baisse des dépenses et seulement 30 % de la hausse des prélèvements », car des impôts supplémentaires vont « asphyxier l’économie » prédit l’ancien vice-président du MEDEF qui trouve son inspiration dans les primaires républicaines américaines.
Si cela devait en rester au verbe, le mal serait moindre. Mais c’est loin d’être le cas. Cristóbal Montoro, ministre espagnol du budget, expliquait hier lundi que les régions doivent « renoncer à dépenser une grande part de ce qu’elles dépensent aujourd’hui », annonçant vouloir « définir avec les communautés autonomes quels services publics elles doivent offrir en matière de santé, d’éducation et de prestations sociales ». En Grèce, le budget de la santé a été réduit de dix milliards d’euros depuis 2009, passant sans transition de ce qui était le fruit d’une incontestable gabegie financière à un bradage de la santé publique, les soins devenant un privilège réservé à ceux qui peuvent les payer, les structures sanitaires étant totalement débordées et manquant de moyens.
Sur la lancée actuelle, la situation va-t-elle être longtemps tenable, financièrement et socialement ? L’accalmie aura été de courte durée.
Extraits d’un article de F.Leclerc : Un bateau toujours ivre
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