[Beaucoup de vrai même si l’ensemble du texte peut être discuté sur certains points. Le mal est fait et cela va être dur de revenir en arrière surtout si on ne peut pas le faire pour l’Europe. Cela ne dispense pas d’essayer.] –alpha.b
Le commerce est bon pour l’Humanité. Montesquieu dans « l’Esprit des lois » au chapitre du commerce écrit : « l’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent mutuellement dépendantes.[…] toutes les unions sont fondées sur les besoins mutuels. » Partant de là, Adam Smith pense le monde de manière uniforme, le commerce comme fin ultime des hommes. Et c’est justement ce que conteste List : l’enrichissement matériel de l’Humanité n’explique ni ne peut justifier pourquoi certaines nations s’appauvrissent et déclinent.
L’Humanité n’existe pas en ce sens qu’elle fait l’économie des classes, des intérêts, valeurs et idéaux qui mènent les peuples et les individus bien au delà du simple partage d’une planète que nous avons en commun. L’acuité avec laquelle ce constat est fait trouve écho de façon surprenante aujourd’hui. Qui peut croire sérieusement que les émergents ont autre chose pour vocation que l’amélioration des conditions de vie de LEUR population, et accessoirement un accroissement de LEUR puissance.
La dépendance industrielle – ajoutons-y la dépendance financière – est tout sauf neutre.
L’impasse sur le développement de certaines branches productives se paye en termes de subordination politique, économique et d’efficacité globale de la division du travail au sein même d’une nation. L’industrie charbon puis sidérurgique ne fut elle pas une condition fondamentale du « décollage» des grands pays au 19ème.
Qui soutiendra que la spécialisation agricole d’un pays aux dépends du charbon et du rail eût été intelligente et stratégique. On pourra arguer que cette antagonisme agriculture/industrie n’est plus actuel. Pourtant la « primarisation » fut bien le choix fait par l’Argentine ou le Chili ces 30 dernières années (4), laissant naïvement le secteur industriel prospérer au Brésil.
La France ou la Grande Bretagne ne se sont-elles point résignées à la tertiarisation de leurs économies ? Enfin, le drame persistant des économies agricoles et ouvertes de l’Afrique n’est il point la preuve d’une incapacité libérale à articuler correctement la Nation et les intérêts particuliers des Peuples avec le commerce.
Au cœur de la Théorie Ricardienne, il y a la spécialisation, et donc l’abandon de pans entiers moins productifs. Pour List, la cohérence nationale justifie – c’est une question de survie – le maintien sur le territoire de tous les secteurs stratégiques de productions qui au minimum doivent alimenter le marché intérieur, à l’abri de tarifs douaniers.
Vouloir acheter moins cher ailleurs, abandonner l’idée de produire soi même, quel qu’en soit le prix de départ est une faute grave qui repose sur l’illusion court termiste de l’enrichissement matériel. List écrit : « la richesse des anglais ressemble à celle d’un père de famille laborieux et économe. Par ses dépenses et par son luxe [l’Espagne] fera peut-être envie pendant quelques temps plus que [l’Angleterre] ; mais entre ses mains la richesse ne sert qu’à des prodigalités, qu’aux jouissances du moments, tandis que l’autre y voit surtout un moyen d’assurer l’existence morale et matérielle de sa plus lointaine postérité »…
la production locale entraîne par sa diversité et ses interpénétrations avec les autres branches de production des besoins qui s’autoalimentent. Plus la production est diverse et complexe, plus elle entraînera d’autres secteurs autour d’elle, d’autres besoins alimentaires, culturels et de service (pour parler en termes contemporains).
Faire l’impasse sur certains secteurs dans les biens de consommation et de haute technologie, c’est réduire cette diversité économique, et réduire les interactions. C’est se condamner à n’être producteur que de certains biens pour lesquels -pense-t-on- nous posséderons toujours un avantage comparatif. C’est se condamner à dépendre toujours plus de l’extérieur dans nos approvisionnements, dans nos achats et ventes et surtout dans nos choix politiques.
C’est subordonner une partie considérable de son commerce à de grands leaders qui de leur poids écrasent en contrebas tout un tissu de PME sous traitantes. C’est enfin baisser les bras quant aux potentiels créatif et productif de son pays et de ses entrepreneurs qui, même avec la meilleure volonté du monde, resteront incapables d’être compétitifs dans leurs domaines respectifs s’ils ne sont pas protégés.
La finalité historique sur laquelle reposent les politiques économiques et institutionnelles de la France ces 40 dernières années est claire : le renforcement de toutes les dépendances que nous avons avec l’extérieur, au nom d’une, soi-disant, efficacité économique individuelle, analysée au travers du Consommateur, dans sa capacité à accumuler toujours plus de confort matériel au plus bas prix.
La contrepartie non prise en compte de cet engagement total dans le désordre commercial du monde est celle-ci : notre Nation s’affaiblit, en même temps que l’opulence matérielle nous le voile. Piégées par le système économique qu’elles ont elles-mêmes appelé de leurs vœux durant tant d’années, les élites politiques libérales d’Europe et des Etats-Unis sont en passe de le faire payer très cher à leurs peuples.
Bien plus que les chinois ou les brésiliens, les grands gagnants du libre échange généralisé, sont un petit nombre : les détenteurs de capitaux et les firmes multinationales qui par le chantage aux salaires, aux taxes et aux acquis qu’elles exercent sur les Etats, ont mondialisé les problèmes économiques et sociaux alors même que l’exercice démocratique ne trouve d’aboutissement concret et efficace que dans le cadre national. La séparation artificielle entre efficacité politique et efficacité économique est un leurre : le protectionnisme fut pour toutes les grandes nations industrielles une des conditions fondamentale de l’élévation ou de la persistance.
Il n’y a jamais de fatalité : celui qui veut produire chez lui, quelles qu’en soient les raisons DOIT pouvoir le faire. Il en va de la sauvegarde des intérêts du peuple au sein de sa nation ; le choix d’extravertir son économie doit rester subordonné aux exigences démocratiques de nos sociétés.
Frederichlist
http://lespoir.jimdo.com/2011/11/20/le-commerce-contre-les-peuples/
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