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Fév 21

Les baby boomers

[Que l’auteur du livre ne s’inquiète pas, au point où on en est, même les baby boomers vont avoir à payer l’addition. Qui sera moindre pour tous si ceux qui le peuvent acceptent de prendre la seule voie raisonnable : celle du partage.] -alpha.b

 

 

Les Générations déshéritées, Mickaël Mangot, Editions Eyrolles.

C’est un thème montant que celui de la crise intergénérationnelle où on montre que les « baby-boomers » ont tiré une large couverture à eux laissant, dans le froid et la nuit, les générations suivantes, celles de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Cronos, de retour, dévorerait sa progéniture en toute tranquillité.

Il est utile cet ouvrage que livre Mickaël Mangot car, par quelque bout qu’on le prenne, le sujet est bien là et s’installe dans un débat qui ne concerne pas uniquement, comme on le pense trop souvent, la question du financement des besoins des générations par les ressources des autres, mais des questions de civilisation et de prise de conscience qui tournent autour de ce qu’on nomme « progrès et acquits ».

« L’éducation, la productivité des actifs et l’espérance de vie de la population … Sur ces trois critères, il est clair que la situation n’a cessé de s’améliorer de génération en génération ». Ce petit livre fourmille d’informations chiffrées sur le niveau de vie des générations d’après la Seconde Guerre mondiale, insistant sur des données essentielles « Aujourd’hui 40% des jeunes générations ont un niveau d’études supérieures au baccalauréat, contre moins de 20% pour les générations au sortir de la guerre….

Les jeunes d’aujourd’hui devraient vivre plus longtemps. Ils auront plus de temps à leur disposition pour éponger la dette… ».

Pourtant, citant Saint Mathieu, « car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il n’a pas », l’auteur montre que la situation des générations qui ont suivi celle de 1946 s’est fortement dégradée, à ce point que les seniors à la retraite sont, en France les mieux lotis d’Europe et les jeunes de 15 à 24 ans, les moins bien.

« Cette génération (celle des « baby-boomers ») a vécu au-dessus de ses moyens pendant sa période d’activité et la dette est là pour le rappeler ». Cette simple remarque conduit à une conclusion en forme de condamnation à l’encontre d’une véritable « spoliation intergénérationnelle….. ».

Il multiplie les chiffres et les courbes qui montrent en détail que «Le bien-être extraordinaire des baby boomers s’est (…) construit sur le dos des plus jeunes, via notamment des politiques qui n’ont pas respecté une nécessaire équité entre les générations ». Parmi les nombreux exemples, celui très sensible aujourd’hui de la dette « souveraine » : rapportée par habitant en terme de salaire moyen net, elle équivalait à deux mois et demi en 1970 et à un an, aujourd’hui.

En dérive un problème de société : « Aujourd’hui le déclassement scolaire toucherait autour d’un jeune sur quatre (et entre 35 et 40% des titulaires du seul baccalauréat) au niveau du salaire ou au ressenti du salarié. » L’auteur n’hésite pas. Il sait qu’il gratte là où ça fait mal : « Un jeune sur quatre occupe un emploi pour lequel il est surqualifié ». Un développement bien documenté sur la question de l’ascenseur social montre que les générations présentes ne bénéficient plus d’aucun espoir solide de faire mieux que leurs parents.

La société française d’aujourd’hui est-elle prête à affronter ces défis qui ne relèvent pas simplement de l’économie ou du bien-être mais de l’idée qu’une société se fait d’elle-même, de son avenir et de sa position en tant que porteur de valeurs humaines et sociales dans le monde ? Si on suit l’auteur, le personnel politique Français risque d’être un frein dans la reconnaissance de cette situation et, par conséquent, dans les solutions à y apporter. « A l’Assemblée Nationale, le nécessaire dialogue intergénérationnel, se résume à des échanges entre quinquagénaires et sexagénaires. Aujourd’hui la chambre basse française est la plus vieille d’Europe de l’Ouest ».

On a presque envie de conclure que « la messe est dite » !!!

Pourtant, il est urgent de travailler à définir des priorités et d’en assurer le financement. La priorité: « générations d’aujourd’hui et de demain » ne peut plus être contestée par personne. En revanche, la répartition des charges est toujours le curseur qui permet de mesurer le courage ou l’illusion politique ! C’est en ce sens que des ouvrages comme celui que Mickaël Mangot donne à lire sont indispensables. Le débat n’en est vraiment qu’à ses débuts. Il faut lui apporter des éclairages, des données et des concepts nouveaux.

Mais, pour qu’il progresse sans ombre ou sans faux-combat, il ne faudra pas que l’idée traditionnelle en France qui consiste à rechercher un bouc émissaire, un responsable (les baby boomers, les banques…) ne vienne pas brouiller les échanges d’idées sur l’état des lieux et sur les politiques à mener. Doit-on aux « baby-boomers »ces mesures que sont la « retraite à soixante ans »? ou « les 35 heures »?, ou « l’accès général de tous aux Etudes Supérieures »? ou les doit-on simplement à une génération que « trente glorieuses » avaient rendu aveuglément optimiste? L’ascenseur social ne fonctionnerait plus?

A-t-on étudié la façon dont les jeunes issus de la « diversité », ceux des émigrations espagnoles, portugaises, algériennes puis marocaines se sont insérés dans le marché du travail et dans la société française par comparaison à leurs parents et continuent à le faire?…. Et puis, n’est-il pas dommage que, dans ce livre bien documenté, rien ne soit dit sur le taux d’activité des femmes, sur leur accession massive au marché de l’emploi, sur leur formation etc?

Ce livre ne prétend pas tout dire, définitivement, sur une question complexe, son objectif est de proposer des pistes pour la poser la plus utilement possible. C’est qu’il fait avec succès.

Les echos 19/02

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