CAPITALISME ASSISTE
Qualifié de sugar rush (bouffée d’énergie après avoir mangé un aliment sucré) par les analystes financiers anglo-saxons, le prêt de 489 milliards d’euros de la BCE n’a pas longtemps enthousiasmé les marchés.
Deux constatations découlent de cette opération, l’une évidente et l’autre plus masquée. La première est que le système bancaire européen – puisque l’attention est focalisée sur lui – est devenu un zombie : une créature ayant seulement l’apparence de la vie. Une aide permanente lui est devenue nécessaire, en substitut des mécanismes de marché qui lui permettaient auparavant de fonctionner.
Induisant une question qui n’est pas encore posée et qui ne devrait pas tarder à l’être : qu’en sera-t-il à l’échéance de trois ans du prêt de la BCE ? Devra-t-il être renouvelé et entrerons-nous ainsi dans une nouvelle phase du capitalisme, le capitalisme assisté ?
La seconde remarque est que la BCE est devenue la bad bank de la zone euro, acceptant en garantie des actifs (le collatéral) en étant de moins en moins regardante sur leur qualité, tout en mettant en avant la décote qu’elle opère pour se prémunir de tout risque en les accueillant, sans faire preuve à cet égard d’une quelconque transparence. La finance a décidément besoin de zones d’ombre : il y a sa face visible et sa face cachée. Le parler allusif des banquiers centraux et l’obscurité voulue de leurs bilans sont sur la tranche.
Le tour de passe-passe qui vient d’être opéré sous nos yeux est donc la création – non revendiquée – d’une bad bank pour toute la zone, qui vient suppléer celles qui ont déjà été crées en plus modeste en Irlande et en Allemagne, imprimant une trajectoire que le gouvernement espagnol aimerait bien suivre pour sa part.
Mais il est intéressant de noter, selon ces informations, que les banques auraient beaucoup utilisé du collatéral garanti par l’État. Ce qui signifie deux choses : qu’il est de mauvaise qualité, puisqu’une telle garantie s’impose, et que c’est en dernière instance l’État qui prend le risque. Ni vu, ni connu : la bad bank est adossée aux États, comme il se doit.
Dans ces conditions, annoncer que ces fonds vont être utilisés pour procéder à des achats sur le marché de la dette souveraine, comme l’a publiquement fait savoir Nicolas Sarkozy, n’a pas faire preuve d’une particulière clairvoyance et reflète – s’il en est besoin – l’incompréhension manifeste dont font preuve les dirigeants européens face à cette crise qu’ils ne maîtrisent en rien, acharné en ce qui le concerne plus particulièrement à défendre les banques comme un dernier rempart.
Nous entrons décidément dans un nouveau stade d’assistanat du capitalisme financier, où se révèle un étrange paradoxe : le rôle attribué à l’État est d’une main restreint, afin d’étendre le terrain de jeu de la finance, mais son apport est sollicité de l’autre main afin de conforter le système financier, via les garanties qu’il accorde et les facilités de la BCE. Il en découle que le rôle parasitaire de la finance s’accroît, si l’on considère son prélèvement accru sur des budgets publics diminués.
Nous en sommes là !
D’après un billet de François Leclerc sur le blog de Paul Jorion.
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