Reste à définir ce que veux dire retour à la prospérité et là c’est une autre histoire qu’il faudra construire.
Le salut par l’économie a failli, il faut passer à l’économie du salut.
La première des choses sur laquelle nous voulons insister est celle-ci : personne ne sait.
Le processus se déroule, le monde se reconstruit sous nos yeux. Les forces du réel font leur œuvre et, bien souvent, ce que l’on prend pour du négatif car cela touche aux avantages acquis, se trouve être dans la réalité, à l’échelle systémique, à l’échelle de l’Histoire, positif.
Ainsi, on a enfin détruit le mythe de la pleine valeur des dettes gouvernementales ; on a dégringolé la bulle de dettes non seulement des gouvernements, mais aussi des banquiers, des systèmes bancaires tout entiers.
On a démystifié un système dans lequel des gouvernements insolvables soutiennent des banques insolvables et dans lequel des banques insolvables soutiennent des gouvernements insolvables. On a remis à sa valeur, ou mieux, à sa non-valeur, le capital fictif d’une partie du système financier. Le réel a décapé. Il a laissé apparaître une part de vérité. Un soubassement, une fondation, sur laquelle on pourra construire à l’avenir.
Beaucoup de certitudes se sont effondrées. Ce n’est que le début. Un petit début, mais très encourageant. Nous avons coutume de dire que ce qui fait le plus de mal, ce n’est pas ce que l’on ignore, l’incertain, l’inconnu, non, c’est ce que l’on croit savoir, ce dont on est sûr… et qui se révèle faux. Voilà ce qui est le plus coûteux. Et c’est pourquoi nous stigmatisons sans relâche le mensonge des Pouvoirs : ils créent des certitudes qui se révèlent fausses.
La crise, ce retour à une prospérité auto entretenue, a une fonction de révélation, une fonction de prise de conscience.
Elle nous a révélé que la certitude que les produits structurés, monstres de la finance, ces fameux subprimes hypothécaires, étaient triple-A, money-like, comme leurs promoteurs le croyaient et le faisaient croire, était une erreur. Voilà une certitude qui s’est effondrée. La loi de la gravitation a fait, là, un retour terrible.
Elle nous a révélé que la certitude de Bernanke que l’on pouvait toujours relancer une économie grâce à des hélicoptères remplis de dollars était une illusion. Une illusion fruit de son exégèse myope des travaux sur la crise de 29.
On n’a toujours pas retrouvé le niveau de vie de 2008. Le chômage apparent est insupportable. Le sous-emploi réel est dramatique.
Elle nous a révélé que les dettes souveraines étaient des dettes comme les autres et qu’elles valaient ce que valait la solvabilité des émetteurs. Un pan entier de la construction keynésienne s’est effondré. Affolant pour les gouvernements, triste pour les banquiers prêteurs, catastrophique pour les peuples.
Elle nous a révélé que les gouvernements ne peuvent pas tout : qu’il y a des limites à leurs manipulations, qu’il y a des limites à la dette, qu’il y a des limites à la taxation, des limites à la cohésion sociale.
En ce début d’année 2012, nous attaquons notre grand mythe, d’autres grands paradigmes fondamentaux.
Le mythe fondateur du système est celui qui fait du dollar la pierre angulaire. Le mythe qui fait du dollar un refuge, celui qui assure que les Etats-Unis sont exonérés de la loi de la gravitation, celui qui prétend qu’ils ne peuvent pas faire faillite et qu’ils seront toujours solvables.
Nous sommes sur ce chemin, sur cette voie, mais attention, nous ne sommes pas encore sur l’autoroute de la destruction, loin de là. Le chemin sera long, avec des pauses, des accélérations, des retours en arrière, des pièges. Le processus qui est en cours est un peu comme une respiration, on inhale quelquefois, on exhale quelquefois, mais un jour ou l’autre, on cesse de respirer. En matière économique, sociale et humaine, rien n’est linéaire. Au mieux, il y a des rythmes, des alternances, des cycles ; au pire et le plus souvent, il y a le chaos du hasard.
L’euro-zone est un poste avancé, une sorte de ligne Maginot, qui protège l’Angleterre d’abord et les Etats-Unis ensuite. Quand les Barbares, la meute, les Wolf Packs, seront aux portes de la citadelle anglo-saxonne, les choses iront vite. Voilà au moins une certitude. Pourquoi ? Parce que tout y est faux, tout est construit sur du sable, passez-nous l’expression et sa vulgarité, tout est bidon.
Une crise, c’est toujours une rupture, et quand les certitudes sont fondées sur des mensonges, les ruptures sont brutales. En tout ou rien.
Et ce qui a été, ce qui aura été longtemps différé se produira : le colossal rééquilibrage entre la masse de promesses et la masse de biens et de services disponibles pour les honorer. Il suffira que l’équilibre se modifie à la marge pour que le phénomène s’enclenche.
Et alors la mécanique sera lancée. A moins de supposer qu’il n’y aura jamais de retour à la prospérité, le basculement interviendra ; il sera d’autant plus rapide, imprévisible et de plus grande ampleur, que les fictions et les mensonges auront été maintenus plus longtemps.
D’après un texte de BRUNO BERTEZ Le 3 Janvier 2012
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