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Déc 09

La mouise

Sociologue, Alain Mergier est l’auteur d’une enquête sur les milieux populaires parue en 2006 sous le titre Le Descenseur social (avec Philippe Guibert, Plon/Fondation Jean-Jaurès).

 « En quoi la perception qu’ont les catégories populaires de leur vulnérabilité a-t-elle évolué depuis votre enquête de 2006 ?

Alain Mergier : Il y a six ans, l’avenir paraissait bouché ; aujourd’hui, pour beaucoup de gens, il est tout simplement devenu impossible à imaginer. On est passé du sentiment d’avoir un mur devant soi à celui d’être au bord du précipice.

Ensuite, la temporalité de cette menace s’est très resserrée : en 2006, les gens nous disaient qu’ils craignaient pour l’avenir de leurs enfants et pour leur avenir à deux ou trois ans. Désormais, pour de plus en plus de gens, la question est de savoir ce qu’ils vont devenir le mois prochain. Cela conduit à penser sur le très court terme.

 Enfin, le périmètre de la menace s’est élargi. Il y a six ans, on se disait : « ce sont les plus fragiles, qui décrochent. » Il y avait l’idée qu’une classe payait pour une caste. Aujourd’hui, le sentiment se répand que c’est la France toute entière qui peut chavirer.

Comment l’expliquez-vous ?

Il y a d’abord l’accélération, l’aggravation et l’accumulation des mauvaises nouvelles – je pense notamment aux plans sociaux. Et puis il y a le fait que la menace s’est rapprochée. La Grèce, de ce point de vue, joue un rôle considérable : désormais, les gens savent qu’un pays peut tomber, un pays européen, un pays qui a l’euro, un pays comme le nôtre, en somme. « 

 Conclusion :

On y est incontestablement, mais on a l’impression que ça a mis 3 ans au lieu de 6 mois.

 Qui ça « On » ?

Le brave bourgeois comme moi, qui regarde un peu autour de lui, tout de même. Je serais curieux de savoir ce qu’en dirait un intérimaire ou un « smicard ». Car il règne une atmosphère délétère de frénésie de consommation (toutes ces soldes, tout le temps… ), de fausse légèreté. Je me demande si ceux qui sont vraiment dans la « mouise » ne le cachent pas énergiquement, le plus souvent.

 De peur que ça ne s’aggrave, de peur d’être rejetés sans un mot, abandonnés.

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