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Déc 06

La grosse baffe

Dans ma réflexion (permanente) sur l’époque que nous vivons, j’ai le pressentiment assez clair que nous allons traverser, que nous traversons déjà, une des zones de turbulence les plus critiques de l’histoire de l’humanité.

 Si je n’étais pas si réservé dans mes propos, je parlerais même d’une conviction car la conjonction de toutes mes connaissances pointe massivement vers ce futur/présent turbulent. Concrètement, je suis fort convaincu que le régime socio-technique actuel, pour utiliser un terme de théorie de la transition, ne peut en aucun cas se maintenir à moyen et à long terme.

Je ne vois à l’heure actuelle aucune force majeure à l’œuvre capable d’éviter ce scénario.

 Ce que je crois plausible  ce sont différents scénarios dont la plupart conduisent à moyen ou long terme à une baisse importante de la population mondiale, un effondrement majeur de la complexité socio-technique que nous connaissons, et de nombreuses turbulences désagréables telles que des guerres, des émeutes, des famines, une nouvelle féodalité, etc. Le tout avec une possible baisse importante de la qualité de vie, pour ceux qui  en ont une positive sur Terre.

Le changement risque de ne pas être linéaire mais de fonctionner selon le mécanisme d’effet de seuil, avec des points d’inflexion brutaux et dont le timing précis est impossible à prévoir. Par à-coups violents, avec périodes intermédiaires trompeuses de rémission, ces inflexions vont nous conduire selon moi à atteindre l’état dégradé.

Je récapitule : constat scientifique de course vers la falaise, constat politique d’absence de force contraire, conclusion qu’un choc majeur est inévitable à court ou moyen terme, possibilité d’avoir dépassé le point de non-retour (hypothèse à ne pas utiliser dans l’incertitude car peu porteuse en terme d’action), enjeu d’envergure civilisationnelle, risque pour l’espèce réel mais à plus long terme.

Conviction qui se forge progressivement qu’il est impossible d’infléchir la situation à l’échelle de l’Humanité avant de subir au moins 1 choc majeur.

 Ma question : que faire en tant qu’honnête homme ? C’est là qu’il ne faut pas se résigner. Faisons un peu de back-casting. Imaginons qu’il y ait au moins un scénario possible dans lequel l’Humanité se retrouve à moyen et long terme dans une situation d’équilibre favorable à la civilisation, et au bien-être maximal de ses membres.

 Comment parvenir à ce type d’élan sociétal massif ?

Le scénario enchanté part du constat scientifique, avec une touche de couverture médiatique, une pincée de pédagogie et un zeste de courage politique, avec une transition déclenchée de manière ordonnée et pilotée de main de maître. (bien que la complexité rend impossible la gestion rationnelle d’une telle transition).

Le scénario favorable que je juge le dernier crédible commence plutôt par une grosse baffe dans la gueule de l’Humanité, avec une signification inétouffable : « homo sapiens, si tu continues à déconner, c’en est fini de toi ! »

(crise pétrolière de plusieurs mois, avec émeutes, famines, maladies, ou encore renversement brutal du régime normal d’un écosystème comme la forêt amazonienne, ou vague majeure de catastrophes météo sur une zone riche du globe) (Là d’un coup je me dis qu’en fait, on y est peut-être déjà, ce qui mettrait à mal tout le raisonnement de mon texte 🙂 mais je considère que ces disruptions n’ont pas encore atteint suffisamment les élites dirigeantes via citoyens riches interposés.

C’est là que le momentum se crée. Et il faudra avoir bien fourbi ses « armes » en prévision

Sans ce choc, je ne vois pas comment une vraie transition va s’engager. En attendant, il faut grappiller les points de résilience et de progression dans la transition. Tout acquis est bon à prendre.

Mais il faut surtout construire une trousse d’intervention d’urgence, qui permette de déployer rapidement les solutions déjà toutes connues aujourd’hui dès que le momentum se présentera. Déclencher par exemple un plan national massif d’isolation du bâtiment, ou coordonner les navetteurs de manière scientifique et supprimer les voitures de société, ou mettre un moratoire sur la dégradation du moindre hectare de nature supplémentaire et criminaliser les destructions environnementales…

Veuillez ne pas voir en moi un petit Lénine en puissance. Je suis pour la démocratie et le changement souhaité. Mais je ne me leurre pas, je crois qu’il faudra un gros coup de semonce pour secouer les citoyens et obtenir un effet de masse significatif. À ce moment, il faut pouvoir saisir le momentum et engager les réformes nécessaires.

 

Extraits d’un article de Cédric Chevallier sur le blog de Paul Jorion     www.pauljorion.com

 

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