En un mot comme en cent, les inégalités s’accroissent parce que l’inflation du prix des assets est plus forte et plus rapide que l’inflation des marchandises et des services, d’une part, et, surtout, que celle des salaires d’autre part. Ceux qui ont un patrimoine bénéficient d’une valorisation systémique et systématique de ce patrimoine tandis que les salariés, eux, tout comme les prix des marchandises et des productions sont sous la pression de la déflation.
Ce sur quoi nous voulons insister, c’est que ce phénomène est enraciné, « embedded », dans le nouveau capitalisme. Il fait partie intégrante du système qui s’est mis en place progressivement depuis 1971. la création d’un effet de richesse plus ou moins fictif par la monnaie est au centre du fonctionnement des économies modernes. Cela recouvre plus ou moins ce que nous épinglons sous le nom de financiarisation
Dans son livre qui vient juste d’être publié (Stress Test, Reflections on Financial Crisis), l’ex-chef du Trésor américain, Geithner, est très clair. D’une clarté qui confine au cynisme : « Nous avons dû faire des choses qui semblent profondément injustes. Tout s’est passé comme si nous récompensions (ou avions récompensé) ceux qui ont mis le feu, c’est à dire comme si nous avions récompensé les incendiaires qui ont joué le rôle central dans la création de la crise ».
La crise naît de la divergence entre l’inflation de la masse de capital, c’est à dire de la croissance débridée de la richesse, et l’inflation du prix des marchandises et des revenus du travail. C’est ce constat qui permet de comprendre la production fantastique des inégalités. Et c’est à partir de ce constat que l’on comprend le bouleversement de nos sociétés. Ce bouleversement se caractérisant par l’asphyxie continue et la paupérisation des classes moyennes.
L’évolution du système capitaliste en un système pervers qui a débuté en 1971, ce système que nous appelons le système kleptocratique, ou ploutocratique, récompense non plus les activités productives, la création de richesses et d’emplois, mais l’accès à l’argent facile, la spéculation sur la valeur des choses, l’arbitrage entre les différentes valeurs et en différents lieux. C’est une forme de capitalisme tout à fait nouvelle et qui n’a été étudiée par personne, à ce stade. Personne, en effet, n’a renouvelé l’analyse du capitalisme dans sa forme de 1971.
Auparavant, la monnaie représentait un travail cristallisé. Il y avait un lien entre la monnaie et la production. L’or ne faisait jamais que jouer le rôle d’intermédiaire, de média, car il représentait lui-même du travail d’extraction et de fonderie cristallisé. Le crédit était accordé en fonction de l’épargne. La limite du crédit, c’était ce qui n’était pas consommé et était réservé pour l’investissement; nous simplifions bien sûr.
A partir du moment où vous donnez aux Maîtres du monde la possibilité de créer de la monnaie à partir de rien, « out of thin air », comme disent les Américains, vous donnez à ces Maîtres du monde un pouvoir d’achat tombé du ciel qui n’a pas de contrepartie présente, sauf des promesses futures, très futures. Et c’est là que gît le mécanisme de l’exploitation moderne des travailleurs.
Les travailleurs sont payés en une monnaie qui est la contrepartie de leur travail présent, tandis que les classes dominantes ont accès à une autre monnaie tombée du ciel, sans contrepartie, sans effort. Ils ont accès à une autre monnaie qui leur permet à la fois d’investir, d’accumuler, donc d’être plus riches, et de consommer des biens de luxe, de surconsommer.
La création monétaire sert à capitaliser, à fabriquer du capital, dont une grande partie est et restera toujours fictive. Ainsi, sont créés des signes monétaires et quasi monétaires qui viennent en concurrence avec la monnaie créée en rémunération du travail et qui donc la dilue. Effet Cantillon moderne! Le mécanisme d’exploitation, c’est la dilution des salaires par l’alchimie du capital inflaté, par l’argent tombé du ciel. Le mécanisme de l’inégalité est là. Tout comme le mécanisme de l’austérité, car plus il y a de capital, plus il faut de profit, plus il faut de productivité, moins il faut employer de salariés. Plus il faut faire suer le burnous.
Comment voulez-vous que les classes moyennes comprennent maintenant comment elles sont exploitées et asphyxiées. Les classes dominantes ont payé des élites et super élites managériales, des faux savants et des grands prêtres afin de couvrir le tout d’un rideau de fumée. La vie économique est recouverte d’un grand voile financier qui la rend incompréhensible pour les gens normaux.
Le Système produit des inégalités. Il y a un lien étroit entre la progression des inégalités et la crise. Le Système est en crise parce qu’il déverse sur une classe de la population plus de monnaie que ne le justifie son utilité sociale.
Extraits d’un article de Bruno Bertez leblogalupus
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