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Avr 17

Connivence

 

Bruno Le Maire, avec une forme de candeur rare dans la classe politique, n’est jamais avare d’une phrase qu’il croit très adroite sur les vérités profondes du capitalisme de connivence dont il est l’un des grands admirateurs et adeptes. Dans cette anthologie des vérités cachées, il a lâché hier une nouvelle perle qui mérite d’être savourée à sa juste valeur.

Un jour, donc, on dénonce les entreprises qui ont obtenu des aides, le lendemain, on annonce qu’on va annuler leur dette pour qu’elles ne fassent pas faillite. Comment comprendre cette apparente contradiction ? En réalité, il n’y a pas de contradiction, mais simplement un traitement « au cas par cas ».

Dans la masse des entreprises en difficulté, Bercy s’attribue le droit d’en sauver certaines et pas d’autres, selon des critères « sur mesure ».

En droit public, on appelle ça le pouvoir discrétionnaire de l’administration, qui confine souvent, dans les faits, avec un pouvoir arbitraire. Il y a ceux qui seront sauvés, et ceux qui ne le seront pas. Pourquoi ? Seule l’administration le sait, et elle n’aura à en référer à personne.

Telle est la base du capitalisme de connivence : certains ont accès au paradis, selon des critères connus de la seule bureaucratie. Et d’autres sont damnés en toute opacité. Traduction : il y a les copains qui bénéficieront de largesses, qui seront protégés par l’intérêt général, et il y a les autres.

On comprend comment marchera ce dispositif : pour en bénéficier, il faudra montrer patte blanche et déployer des arguments tout à fait persuasifs pour influencer la « conciliation » dans le bon sens.

Et l’on mesure tout de suite la palette d’arguments qui pourra être déployée, depuis le diaporama mensonger pour expliquer que tout va mal jusqu’à la promesse de recruter à prix d’or tel ou tel ami du pouvoir, voire tel ou tel administrateur de Bercy en mal de mobilité.

L’issue de cette méthode est bien connue : on fait croire que les aides vont aux plus méritants, mais elles profitent très souvent aux meilleurs corrupteurs, à ceux qui ont trouvé les bons arguments, à ceux qui ont su émouvoir la corde sensible des fonctionnaires.

Et tant pis s’il s’agit de zombies sans avenir que l’on maintient artificiellement en vie le temps qu’il faut pour se partager les meilleurs morceaux. Après tout, c’est l’Etat qui paie !

Quelle différence y a-t-il entre cette méthode de gouvernement « sur mesure », « au cas par cas », et une République bananière ?

On cherche encore la réponse. Mais la mise en œuvre de ce dispositif devrait donner lieu à de franches rigolades dans les semaines à venir.

On attend avec impatience les phrases emphatiques de Bruno Le Maire pour en vanter les mérites.

Extraits d’un article d’Eric Verhaege sur le courrier des stratèges

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