L’anxiété continuelle, l’effort, la lutte, les renoncements, voilà les conditions indispensables dans lesquels tout homme doit vivre, sans songer à y échapper ne fût-ce qu’un instant.
Seuls, la bonne anxiété, la lutte, l’effort fondés sur l’amour sont ce qu’on appelle le bonheur. Non point le bonheur, d’ailleurs, c’est un mot stupide !
Point le bonheur, on est bien tout simplement. Quand à la mauvaise anxiété, fondée sur l’amour de soi, c’est le malheur. Voilà, sous une forme condensée, les changements qui se sont produits ces derniers temps dans ma façon de voir la vie.
Je ne peux m’empêcher de rire quand je me rappelle ce que je pensais. qui est aussi me semble t il ce que vous pensez toujours, qu’il est possible de s’organiser un petit monde heureux où l’on pourrait tranquillement, sans erreurs, sans remords, sans embrouilles, vivre sa petite vie tranquille, en ne faisant ,tout doucettement, rigoureusement rien que des choses bonnes, j’en ris.
Ce n’est pas possible grand mère ! Pas plus qu’on ne peut bien se porter quand on ne bouge pas, quand on ne fait pas d’exercice. Pour bien vivre, il faut se lancer, s’égarer, se débattre, se tromper, commencer et abandonner, recommencer et abandonner de nouveau, et lutter éternellement et se priver. Quand à la tranquillité, c’est de la bassesse.
C’est pour ça que le mauvais côté de notre âme aspire à la tranquillité ! Sans pressentir qu’à l’obtenir, nous perdrions tout ce qu’il y a de beau en nous, non pas de cette beauté humaine, mais de celle qui nous vient de là bas.
Léon Tolstoï lettre à Alexandrine Tolstoï octobre 1857
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