Les défis sont gigantesques, voire herculéens !
C’est en premier la Grèce qui, en dépit de tous les plans de sauvetage et autres mesures cosmétiques, déclarera inévitablement un défaut de paiement au moins partiel avec des conséquences que nul ne saurait prétendre anticiper. C’est ensuite le système bancaire européen qui devra impérativement être recapitalisé sans que nul ne soit en mesure d’articuler les sommes nécessaires à ces renflouements ni les conditions posées pour sauver des établissements financiers ayant allègrement pataugé dans une spéculation effrénée. C’est également le besoin vital de gérer dans l’urgence les déroutes bancaires immédiates comme celles de Dexia et les quelques autres qui apparaîtront au radar ces prochaines semaines. Passons au rachat par la BCE des Bons du Trésor italiens et espagnols censés éviter à ces deux nations le sort malheureux de la Grèce et du Portugal sans pour autant que cette même BCE ne soit aujourd’hui capable d’évaluer les qu antités ultimes en obligations qu’elle sera amenée à acquérir pour prix du sursis accordé. C’est par ailleurs le ralentissement substantiel de l’activité économique au sein de l’Union qu’il faudra prendre en considération ainsi que son corollaire, à savoir la réduction massive des taux d’intérêts européens afin d’éviter autant que faire se peut une récession en bonne et due forme. Concluons cette longue liste de défis à relever par les menaces inflationnistes qui se précisent tous les jours davantage puisque les dernières statistiques font état d’une augmentation de 3 % du coût de la vie dans l’Union, chiffre au plus haut depuis 3 ans.
Comment Mario Draghi, futur Président de la BCE, saura-t-il et pourra-t-il régler ces équations dont la complexité exigeront doigté, finesse, inventivité et flexibilité ? Ce voyage de Rome, siège de la Banque d’Italie, à Francfort, siège de la BCE où il devra s’installer en un temps record pour y être opérationnel immédiatement se fera en effet dans des conditions pour le moins dramatiques pour l’ensemble régional dont son établissement est censé gérer la politique monétaire. Transfert sous haute tension donc pour un personnage incontestablement qualifié pour le job mais qui n’est vraiment pas pour autant l’homme de la situation.
En effet, Mario Draghi offre un profil d’une orthodoxie ennuyeuse et sans surprise. De même, tout dans son vécu confirme le parcours d’un banquier central seulement préoccupé par la sacro-sainte stabilité des prix au classicisme désespérant. Comment cet italien – issu des PIIGS dépensiers et peu rigoureux – parviendra-t-il en outre à convaincre l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et les autres membres germanophiles de l’Union de la nécessité impérieuse d’appliquer des baisses de taux quantitatives – c’est-à-dire d’activer la planche à billets de l’Euro afin d’acheter d’immenses quantités de Bons du Trésor des mêmes PIIGS – avec des risques inflationnistes évidents honnis par ces nations austères et disciplinées ? Cette personnalité conventionnelle se permettra-t-elle de faire des propositions radicales et innovatrices, seules capables de sauver l’union monétaire ? A un stade de la crise européenne où la crédibilité des comptes publics des Etats – y compris de ceux de la France – rétrécit en peau de chagrin et où seule la BCE est encore en mesure d’afficher un bilan capable d’inspirer confiance, Draghi osera-t-il seulement utiliser à bon escient les munitions dont bénéficie son établissement ? Ou se cantonnera-t-il dans une frilosité et dans un archaïsme dignes d’un banquier central ?
Michel Santi – Economiste
Commentaires récents