[Un vrai problème (le financement des PME), une réflexion théorique, mais comment passe t on de la théorie à la pratique ? Dans un monde de l’incertain qui va pouvoir garantir ces sacrés « cash flows » où mettre sur la table un actif indiscutable, encore mieux pour d’autres ? On ne prêtera qu’aux riches et des riches il y en aura de moins en moins.
Sachant que le vrai problème c’est l’emploi, la solution ne serait elle pas que les banques commerciales refassent un travail qui est leur raison d’être et qu’elles n’auraient jamais du oublier.]-alpha.b
La relance de la croissance a été depuis longtemps un objectif de notre politique économique. Cependant, une véritable croissance ne peut perdurer que si elle s’appuie sur un renforcement de l’offre autant que de la demande. Cela implique une relance des investissements réalisés par les entreprises et pose le problème de leur financement.
La France présente un profil atypique, dans lequel les deux-tiers des financements sont d’origine bancaire et un tiers provient des marchés. En comparaison, on notera que 75% des financements « corporate » américains s’effectuent sur les marchés. Or, les difficultés actuelles du secteur bancaire (provisionnements à passer correspondants à des pertes sur les emprunts d’Etats, contraintes imposées par Bâle III, limitation des risques) vont entraîner une baisse des financements bancaires à destination des entreprises. D’où la nécessité pour celles-ci de s’adresser aux marchés financiers et, particulièrement, au marché obligataire.
Dans cette perspective, on peut émettre quelques réflexions utiles. La première concerne la notion de taux sans risque ; la seconde a trait aux PME ; la dernière vise un nouvel instrument en plein essor : les obligations structurées.
1. La notion de taux sans risque
Sur le marché obligataire, le risque supporté par une entreprise se mesure) à travers « la marge » (ou spread) que le marché va exiger, pour financer cette société. Cette marge s’applique à un taux de référence. Compte-tenu de la crise de la dette publique, le taux de base approprié pour l’euro n’est plus le taux de la dette publique de l’Etat dans lequel se situe l’entreprise, mais le taux d’emprunt de l’Allemagne, c’est-à-dire « le Bund », dans la mesure où ce pays bénéficie encore du triple A. Pour les dettes en dollars, ce sera les « Treasury Bonds » américains, bien que les Etats Unis aient vu leur notation abaissée. En conséquence, on constate que certaines entreprises jouissent de « marges » inférieures à celle appliquée à l’Etat dont elles sont les ressortissantes : ainsi certaines firmes espagnoles ont un spread inférieur à celui de l’Etat Espagnol ; même chose au Portugal ou en Italie… et bientôt en France !
2. Les financements des PME
Pour compenser la diminution de l’offre de financements bancaires, les entreprises moyennes vont devoir envisager de se reporter sur le marché obligataire, ce qui implique de présenter des bilans solides avec, en particulier, un ratio dettes/capitaux propres raisonnable et un service de la dette assuré par une génération de cash-flows suffisants.
Pour les petites entreprises, une solution réside dans le regroupement. Par exemple, une vingtaine de PME se sont associées pour lever entre 5 et 20 millions d’euros de façon simultanée, grâce à la constitution d’un « fonds de dette », tel « Micado France 2018 », destiné à acquérir jusqu‘à 300 millions d’euros(1).
Bien sûr, il faudra observer comment ce type de groupement va fonctionner, compte-tenu qu’il n’y aura pas de mutualisation des risques entre les émetteurs.
3. Un nouvel instrument financier : les obligations structurées
La récente conférence du Club Finance HEC (2), réalisée le 12 avril, a mis en lumière le développement d’un nouvel outil de financement pour les entreprises : l’émission obligataire « structurée ».
Celle-ci a pour particularité d’être assise sur « un actif » économiquement identifié et juridiquement protégé, qui va servir de garantie aux investisseurs. Le « collatéral » étant isolé dans une structure appropriée du type « SVP » (Special Purpose Vehicule »), les acheteurs de titres obligataires pourront être largement dédommagés en cas de défaut de paiement.
On voit donc que ces obligations structurées ressemblent en fait à des « projects bonds ».Elles se prêtent donc bien à des financements d’entreprises appartenant soit au secteur primaire (nantissement de stocks de matières premières) soit, au secteur des travaux publics/équipements (par exemple, partenariat public-privé), soit au secteur des transports (flotte d’avions ou de bateaux achetés et nantis en faveur des investisseurs).
On conçoit également que l’essor des obligations structurées facilite l’apparition de nouveaux acteurs du coté investissement (on a déjà mentionné « les fonds de dettes »), qui interviendront à côté des investisseurs institutionnels classiques, tels que les compagnies d’assurance ou les SICAV obligataires.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite à HEC Paris
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