Comme nous l’a démontré le Professeur Glennon hier, une démocratie moderne comporte deux parties. Il y a les électeurs… et l’élite. Ils fonctionnent de manière complètement différente. Les élites calculent ce qui est le plus avantageux pour elles… et s’organisent pour l’obtenir. Les électeurs réagissent de manière émotionnelle… sans connaissance réelle de ce qui se passe.
Les électeurs n’ont pas le temps de déconstruire toute l’histoire. Ils ont déjà du mal à suivre ce qui fait les gros titres. Ils ont une vraie vie, une épouse acariâtre ou un mari paresseux, des matchs de foot, des problèmes de drogue et des enterrements. Ils ne peuvent faire le tri entre les affirmations contradictoires ou démêler les motifs. Ce serait une perte de temps pour eux que d’essayer ; ils ont peu d’influence sur les politiques publiques. Le mieux qu’ils puissent faire, c’est utiliser leur instinct… exploiter le cerveau qui a évolué sur des millions d’années dans des conditions entièrement différentes. Tout ce qu’ils savent, c’est ce qu’ils veulent… et ce qu’ils craignent.
Ce qui se cache derrière la politique
Les élites calculent. Les masses réagissent.
Si vous voulez comprendre pourquoi les gouvernements font ce qu’ils font… suivez l’argent.
Par exemple, on explique aux électeurs américains que la Fed a permis de les protéger contre une nouvelle Grande dépression. Qui pourrait s’en offusquer ? La Fed a créé près de 4 000 milliards de dollars de QE dans ce but.
Et où est allé cet argent ? En avez-vous reçu, cher lecteur ? Nous non. Pas directement. L’électeur moyen non plus. C’était la reprise la plus faible de l’histoire. Et les revenus des ménages ont baissé !
Mais quelques personnes s’en sont mis plein les poches. Le secteur financier nage dans l’abondance depuis six ans. Les actions, les obligations, l’immobilier — tout s’est mis à flotter sur cette marée de nouvel argent. Quasiment toutes les grandes banques centrales de la planète s’y sont mises, avec des bilans qui ont plus augmenté au cours des cinq dernières années que sur l’intégralité du siècle dernier.
L’individu lambda a peut-être moins sur son compte en banque… mais les riches de la planète sont plus riches que jamais. Les marchés boursiers à eux seuls ont ajouté quelque 22 000 milliards de dollars à leurs fortunes.
Le Financial Times a annoncé la fin avant même qu’elle se produise. Lundi, il titrait : « RIP, QE… la mort discrète d’une politique monétaire américaine radicale ».
Le problème avec la mort, c’est qu’elle est permanente. Les morts le restent. Et si les investisseurs pensent que le QE ne se relèvera jamais, ils pourraient perdre espoir. Ou se sentir trahis. Rappelez-vous, la Fed a toujours été le boute-en-train de la fête. C’est le crédit des banques centrales qui a nourri l’expansion boursière des cinq dernières années. Si le QE s’en va fumer les mauves par la racine… il en ira très probablement de même pour le marché haussier. La fête est finie, en d’autres termes. Les prix des actions vont sans doute enfiler leur manteau, mettre leur chapeau et retourner là d’où ils viennent.
La Fed a déjà fait savoir que même si le QE est peut-être en train de vivre ses derniers instants, ses descendants lui survivront. Les gigantesques détentions de dette de la Fed ne seront pas vendues… En fait, on ne leur permettra même pas de mourir de cause naturelle. Normalement, ces instruments de dette arriveraient à maturité… puis — comme nous tous — disparaitraient. Mais la Fed a annoncé qu’elle les maintiendra en vie… préservant ses gigantesques réserves de dette pendant des années, peut-être jusqu’à la fin de cette décennie. On ne laissera pas la masse monétaire diminuer.
Nous doutons que cela suffise. Une économie accro à la dette doit en avoir en quantités croissantes pour arriver aux mêmes effets. La première fois qu’on injecte du crédit dans les veines d’une économie, elle se met à planer. C’est seulement ensuite que les tremblements arrivent…
A mesure que la dette se développe, l’économie a de plus en plus de mal à croître, puisque les ressources nécessaires pour l’avenir ont déjà été consommées
A mesure que la dette se développe, l’économie a de plus en plus de mal à croître, puisque les ressources nécessaires pour l’avenir ont déjà été consommées. Les taux d’intérêt ultra-bas masquent le problème et retardent le jour du jugement — mais ils ne peuvent l’éliminer. Cet effet a été exploré dans un grand nombre d’études économiques.
« […] le taux de croissance d’un pays sera réduit d’environ 25% par rapport à la normale », écrivent Van Hoisington et Lacy Hunt, lorsque la dette totale atteint un niveau « critique » de 250% à 275% du PIB. Elle est actuellement de 334% aux Etats-Unis.
Lorsqu’on emprunte pour investir dans une activité productive, le flux de revenu peut suffire à rembourser la dette et même engendrer un profit. Mais si l’on emprunte pour la guerre au Proche-Orient, par exemple, ou pour payer les bonus de l’industrie financière, on n’est pas en meilleure position pour rembourser sa dette — au contraire.
Telle est la conclusion d’un rapport très dense élaboré par un quatuor de diplômés travaillant pour le Centre international d’études bancaires et monétaires.
Désendettement ? Quel désendettement ? On nous montre, comme le sous-entend le titre, que la dette continue d’augmenter. Il nous dit également qu’ « un niveau de dette excessif pose des risques à la fois aigus et chroniques ».
Rien de très surprenant là-dedans. Une croissance lente engendre un « cercle vicieux » dans lequel on ne peut pas rembourser sa dette. Les autorités tentent de stimuler la croissance. Elles accumulent des déficits… et baissent les taux d’intérêt pour encourager l’emprunt… croyant que ces facteurs permettront de se sortir de la dette. Au lieu de ça, on creuse simplement un trou plus profond… augmentant les risques de défaut, de dépression et de déflation.
C’est pour cette raison que nous ne jetterions pas tout de suite la première poignée de terre sur le cercueil du QE. Il n’est peut-être pas entièrement mort. Dès que les gros titres sonneront l’alarme — annonçant que le marché boursier a craqué… ou que l’économie coule — nous assisterons probablement à sa résurrection.
Extraits d’un article de bill Bonner La chronique AGORA
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