Ce fut l’âge d’or de la sécurité.
Tout dans notre monarchie autrichienne presque millénaire, semblait fondé sur la durée et l’État lui-même être le garant suprême de cette pérennité.
Qui possédait un patrimoine pouvait calculer avec précision le montant annuel des intérêts qu’il lui rapportait et, de son côté, le fonctionnaire, l’officier pouvait se reposer sur le calendrier pour connaître l’année où il aurait de l’avancement et celle où il prendrait sa retraite. […]
Ce sentiment de sécurité était le bien le plus désirable pour des millions de personnes, l’idéal de vie commun.
Il fallait cette sécurité pour que la vie fut jugée digne d’être vécue, et des cercles de plus en plus larges désiraient acquérir leur part de ce bien précieux.
Au début seul les possédants jouissaient de ce privilège, mais petit à petit les larges masses se bousculèrent pour y accéder ; le siècle de la sécurité devint l’âge d’or des assurances. […]
Pour finir, les ouvriers eux-mêmes s’organisèrent et conquirent un salaire normalisé ainsi que des caisses de maladie. […]
Dans cette certitude touchante de pouvoir barricader sa vie sans la moindre brèche pour la protéger de toute intrusion du destin, il y a malgré le sérieux et la modestie de cette conception de la vie une grande et dangereuse présomption.
Stefan Zweig, Le Monde d’hier (via S.Wapler La chronique Agora)
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