[Le constat est indiscutable et bien exprimé, les conclusions qui en sont tirées le sont beaucoup plus et peuvent être retrouvées dans l’article original. Néanmoins ce dernier montre bien l’ampleur de ce qu’il reste à faire et surtout le peu de chemin parcouru sur une route qui n’est pas encore définie mais qui doit bien exister. Il faut la tracer]-alpha.b
1ER CONSTAT : UNE SITUATION INTENABLE
Comme le montre chaque nouvel épisode de la crise de l’euro, qu’il s’agisse en particulier de la Grèce ou de l’Espagne, la situation actuelle ne peut pas tenir. Au-delà des problèmes de surendettement public et privé, ce sont maintenant les revenus qui sont menacés par les mesures de consolidation budgétaire et les écarts de compétitivité entre États de la zone. La Grèce, pays pauvre sans industrie exportatrice, ne peut subir sans difficulté la même parité monétaire que l’économie allemande, principalement tirée par les exportations à forte valeur technologique et ajoutée.
Ce principe est consubstantiel à celui de création d’une zone monétaire unifié. Il est criminel de l’ignorer ou de vouloir le cacher au risque d’alimenter des tensions politiques et sociales susceptibles de favoriser révolutions et retour aux dictatures populistes.
2ÈME CONSTAT : DES FAUTES PARTAGÉES
De nombreux dirigeants politiques et économiques fustigent les Grecs et leurs pratiques, notamment fiscales. S’il est vrai que les citoyens grecs ont leur part de responsabilité dans la crise actuelle, il est juste de rappeler que les autres pays de l’Union ont également la leur. Pendant de trop longues années, nous avons fait croire aux Grecs que leur appartenance à la zone euro et à l’Union Européenne leur autorisait une croissance illimitée, sans lien avec la capacité de création de richesse intrinsèque de leur pays.
Bien entendu, les Grecs doivent – dans la situation actuelle – accepter d’engager sans attendre la modernisation de leur organisation politique, administrative et fiscale pour la mettre au meilleur niveau. Il en va de leur propre avenir et de celui de l’ensemble de leurs partenaires de la zone euro
3ÈME CONSTAT : LA FOLIE PUNITIVE
Beaucoup de responsables politiques et économiques européens emploient à l’égard des grecs un discours punitif et humiliant. Quelle ignorance et quelle inconséquence ! On ne gagne jamais à humilier un peuple indépendant et fier. L’histoire du IIIème Reich a démontré que les logiques punitives dégénèrent en folie de revanches meurtrières. L’attitude de nombreux dirigeants allemands est particulièrement critiquable en la matière, puisque leur histoire devrait les pousser à faire preuve d’intelligence et de retenue. Peuple allemand, tu n’as pas le droit d’être amnésique !
4ÈME CONSTAT : DES COÛTS DE RUPTURE INESTIMABLES
Les estimations les plus variées circulent sur le coût d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Les plus récentes l’estiment à environ 1 000 milliards d’euros pour la Grèce et tous les pays qui y sont exposés. En fait, personne n’est exactement capable de l’évaluer. C’est tout l’édifice qui menacerait ruine. Dans un monde économique reposant avant tout sur la confiance de ses acteurs, nul ne peut affirmer que nos systèmes pourraient résister à ce choc et à ces inévitables répliques espagnoles et portugaises.
5ÈME CONSTAT : UN CERCLE VICIEUX D’APPAUVRISSEMENT DURABLE
Nous sommes entrés depuis 2008 et encore plus depuis 2010 dans un cercle vicieux profondément destructeur de valeur pour nos économies. Tous nos moyens sont consacrés à rembourser les dettes qui ont servi à financer la prospérité des années passées. Et les effets conjugués de la baisse de l’effet de levier, de la progression de l’épargne de précaution, de la hausse prévisible des impôts, ainsi que de la chute des valeurs mobilières et immobilières ont un impact dépressif sur nos économies Contrairement à ce que croient trop d’hommes politiques français, l’histoire des peuples n’est pas une droite linéaire à pente forcément positive. Certaines grandes civilisations ont disparu, beaucoup d’autres ont décliné et la France n’est pas immunisée. Il nous revient de prendre les mesures nécessaires pour sortir de ce cercle vicieux et assurer à notre pays un grand destin.
6ÈME CONSTAT : LA CHIMÈRE D’UNE INTÉGRATION POLITIQUE EUROPÉENNE IMMÉDIATE
N’en déplaise aux promoteurs d’une telle intégration politique immédiate, celle-ci est impossible à court terme. L’Europe actuelle n’est pas comparable à l’Amérique de la fin du XVIIIème siècle. Il est illusoire de vouloir réaliser dès maintenant une intégration politique complète entre des pays aux histoires, cultures politiques et langues si différentes.
Si la classe dirigeante, qui pratique aisément l’anglais, pourrait le cas échéant s’en accommoder, les peuples ne devraient pas accepter de confier la souveraineté à des personnes dont ils ne comprennent même pas la langue. Et chacun de nos pays a son propre système politique et n’a aucune envie d’adopter celui de son voisin. Nous devons donc imaginer de nouveaux schémas, sans doute partiels et innovants, tenant compte de cette situation, plutôt que de fantasmer sur des solutions vaines.
Arrêtons de faire l’autruche en tentant de nous réfugier derrière les concepts ronflants et encore vides d’Union bancaire ou d’eurobonds
Il faut regretter que le nouveau pouvoir français le taise, comme il dissimule les mauvaises nouvelles – hausses d’impôts, mesures de rigueur – qu’il prépare en reportant leur annonce après le second tour des législatives. Beaucoup d’observateurs politiques semblent considérer cela comme normal.
Quelle peur ou quel mépris pour le peuple que de le considérer trop immature pour affronter ces nouvelles ! La démocratie n’exclut pas l’habileté ; mais elle ne survivra pas au mensonge. Il est urgent de dire la vérité aux peuples d’Europe, à commencer par celui de France, et de ne pas leur cacher plus longtemps les enjeux de la société actuelle ainsi que les efforts à venir. L’enterrement du cycle économique que nous venons de vivre risque sinon d’être aussi celui de la démocratie.
François Vigne, banquier
Extraits d’un article du Monde.fr dont on trouvera l’original ci-après
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