[Un problème de solvabilité ne peut pas être réglé par un refinancement, ce dernier ne permet que de gagner un peu de temps, en attendant des jours meilleurs.
Qui viendraient d’où puisque l’on ne change rien ?] – alpha.b
La confiance est revenue sur les marchés depuis la fin 2011, notamment grâce aux opérations de refinancement à long terme (LTRO) de la Banque centrale européenne (BCE). En décembre 2011, cette dernière a prêté aux banques européennes 489 milliards d’euros, sur trois ans, au taux de 1%. Les LTRO comme initiative majeure pour endiguer la crise ont pourtant connu un début laborieux. Plus de 90% des fonds empruntés ont d’abord été replacés auprès de la BCE et rémunérés à 0,25%.
Le secteur bancaire européen perdait donc 0,75% sur une large part des prêts obtenus via les LTRO. C’est dire à quel point les établissements financiers européens avaient fin 2011 des problèmes de liquidités. Depuis, il y a eu cependant une montée en puissance des LTRO et les tensions sur les marchés du crédit souverain et des prêts interbancaires se sont atténuées.
En plus des problèmes de liquidités, trois autres facteurs ont justifié le recours aux LTRO: la solvabilité précaire des banques européennes, la contagion géographique de la crise de la dette souveraine et le resserrement du crédit. Cependant, alors que le problème de liquidités a été résolu, il n’en est pas de même des trois autres.
A l’évidence, le dispositif LTRO ne suffira pas à assurer une solvabilité à long terme du secteur financier européen. Pour y parvenir, en octobre 2011, l’Union Européenne avait intimé aux banques de lever 110 milliards d’euros de fonds propres pour assainir leurs bilans. Plus pessimiste, Christine Lagarde, présidente du Fonds monétaire international (FMI), évoquait à l’époque nécessaire une recapitalisation de près de 200 milliards d’euros et certains scénarios négatifs évaluent les besoins du secteur à 300 milliards d’euros. Même si le secteur réalisait des profits grâce au «carry trade» sur les fonds du LTRO (emprunt à taux bas et prêts à taux élevés), il faudrait des années pour assainir de tels bilans en utilisant uniquement cette mesure.
Les LTRO visaient aussi à réduire les taux d’intérêt pour les pays de la périphérie de la zone euro touchés par la crise de la dette. On voulait ainsi arrêter la contagion de la crise. Pour une banque italienne, il peut sembler intéressant de réinvestir les sommes empruntées sur trois ans à 1% auprès de la BCE dans des emprunts d’Etat italiens à trois ans (ou moins) rémunérés à 3,5%.
En fait, les rendements des emprunts d’Etat italiens et espagnols avec une maturité inférieure à trois ans ont baissé. Reste à savoir si les banques européennes ont effectivement pratiqué le «carry trade» ou si le marché a juste anticipé cela. De plus, faire passer la dette des banques sur celle de l’Etat, puis celle de l’Etat à nouveau sur les bilans des banques ne va pas réduire la dette pour autant. A la différence de la physique, il n’existe pas de pertes de frottement et, en conséquence, la dette ne disparaîtra pas en la déplaçant d’un bilan à l’autre.
Je ne pense pas non plus que les LTRO enrayeront l’actuel resserrement du crédit en Europe. Dans le monde de l’après crise financière, de nombreux pays sont pris dans une «trappe à liquidités» où, malgré des taux d’intérêt quasi-nuls, l’activité de crédit peine. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni, dont les politiques monétaires sont plus laxistes que celle de la zone euro, ont échoué jusqu’à présent à relancer leurs économies par une expansion de l’offre monétaire. Cette léthargie du crédit s’explique par la réticence des banques mal en point à prêter et celle des ménages et des entreprises surendettés à emprunter.
L’impact à long terme des LTRO pourrait être extrêmement négatif. L’argent facile maintiendra en vie des «banques zombies» qui auraient sans doute fait faillite en d’autres circonstances. C’est une des raisons de la décennie perdue du Japon après sa crise financière au début des années 1990. Enfin, les LTRO peuvent être perçues comme un moyen de faire tourner en douce la planche à billets, avec toutes les conséquences inflationnistes d’un tel subterfuge.
Certes, les LTRO ont ramené le calme en Europe et sur les marchés mais elles ne sont pas la panacée. Elles permettent de gagner du temps et d’atténuer le risque systémique. Mais la crise de l’euro n’est pas finie, pas plus que la récession en Europe.
Andreas Höfert Economiste en chef d’UBS fev12
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