Après la crise financière, après la crise des réfugiés, après le terrorisme, voici le choc du Brexit qui peut être un coup fatal si nous n’agissons pas avec un sens aigu de l’intérêt général européen.
Il serait dangereux et médiocre de voir dans le vote britannique la simple rançon d’un populisme insulaire. En 2005, le peuple français lui-même n’avait pas hésité à dire « non » au traité constitutionnel…
Le mal est profond et on ne le guérira pas avec des incantations ni avec des intimidations.
A l’occasion de Maastricht, plusieurs d’entre nous et j’en fus, pressentaient les failles d’une construction européenne plus mécanique que politique.
L’avertissement ne fut pas entendu et progressivement les peuples se sont détachés du projet européen qui, à leurs yeux, ne leur garantissait ni la prospérité, ni la sécurité des frontières.
A tort ou à raison, un sentiment de déracinement est venu étreindre nos sociétés et le réflexe du repli vient maintenant percuter nos démocraties.
De tout cela, on peut en accuser les institutions communautaires et leur technocratie, ce que je ne crains pas de faire, mais il serait juste d’en accuser aussi tous ceux, gouvernement compris, qui, de façon cynique, n’eurent de cesse d’accuser Bruxelles de tous les maux pour ne pas avoir à les régler eux-mêmes.
A force de vouloir s’occuper de tout, l’Union européenne passe à côté de l’essentiel.
Nous ne serons jamais un État fédéral. Nous sommes trop différents pour y parvenir. Et ce serait, au demeurant, un contresens historique car plus les nations sont bridées, plus les nationalismes sont agressifs.
La première des priorités, c’est l’indépendance économique de l’Europe dans la mondialisation.
Assez d’angélisme. Nous n’avons ni obligation de signer un traité transatlantique déséquilibré, ni à subir la domination économique asiatique.
Notre indépendance est mise à mal aussi par la tutelle qu’imposent les États-Unis aux entreprises européennes soumises à la législation intérieure américaine soit au prétexte qu’elles utilisent le dollar, soit au motif de la lutte contre la corruption.
Seconde priorité : c’est la sécurité européenne.
L’Europe des marchands, des touristes et de la monnaie unique ne suffit pas. Cette Europe est menacée de disparaître si elle n’est pas en même temps l’Europe de la sécurité, si elle n’est pas l’Europe qui maîtrise l’immigration, si dans ce domaine comme dans le domaine économique elle n’est pas l’Europe qui protège.
Notre sécurité passe par une défense militaire.
Troisième priorité : je veux parler d’éducation, de la culture, de la recherche et de l’innovation.
On a bien sûr mis en place un Erasmus universitaire, homogénéisé les diplômes, relié des laboratoires…
Mais a-t-on fait assez pour développer notre conscience d’appartenir à une civilisation singulière et brillante ?
A force d’être mondialistes, certains ont non seulement contesté les nations mais ils ont enterré la civilisation européenne. Et à force de ne plus voir l’Europe que comme un marché, on continue de négocier l’adhésion de la Turquie.
Non ! Il y a des frontières et il y a un patrimoine qui est le nôtre.
La philosophie antique, les valeurs chrétiennes, l’Etat de droit, la solidarité, le goût des arts et des sciences, la liberté de parler, de penser, de voter : tout cela forge l’âme de l’Europe.
Si ce patrimoine ne vibre pas en nous, si notre jeunesse ne se sent pas chez elle à Rome, à Madrid, à Berlin, à Athènes ou à Prague, si nous ne sommes pas capables de conjuguer nos identités, alors pourquoi sommes-nous ensemble ?
L’âme de l’Europe au XXIème siècle : voilà le défi de notre époque pour notre jeunesse !
Enfin, nous devons engager une refonte des institutions européennes.
Ma conviction, c’est que l’Europe à 28 a rendu caduc l’objectif d’une Europe fédérale – à laquelle je n’ai jamais cru – et elle a dérèglé le fonctionnement de l’Europe communautaire des années 80.
La nouvelle Europe recentrée sur les coopérations essentielles doit rendre à la compétence des Etats membres tout ce qui ne s’y rapporte pas.
La commission et le Parlement n’ont jamais réussi à acquérir une véritable légitimité démocratique. Il faut redonner au Conseil européen et au contrôle des parlements nationaux leur prééminence.
La subsidiarité et la géométrie variable doivent s’imposer sur l’uniformité actuelle.
Je suis fier d’être Français et je me sens européen.
Pour moi, la Nation française a été et restera toujours d’actualité, mais soyons clairs : on ne fera pas l’Histoire en défaisant l’Europe.
Dans un monde de 7 milliards d’habitants, les Européens ont un choix : ou bien ils se battent chacun dans leur coin, ou bien ils se battent ensemble !
Et sauf à vouloir nous saborder, l’intérêt national commande donc d’être européens. Mais pas à n’importe quelle condition. Pas par défaut. Pas par résignation.
Ce que nous devons défendre, c’est la civilisation européenne et c’est la place de la France dans cette civilisation !
Extraits d’un discours de François Fillon à l’Assemblée Nationale
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