Les responsables de la conduite des affaires, banquiers centraux et gouvernements, prétendent, pour justifier leur action, mener des politiques de stimulation. A les entendre, ils stimulent depuis 2009.
«Simulent» est un terme qui conviendrait mieux! Les politiques menées ne sont que marginalement stimulantes, sauf bouffées spéculatives temporaires qui créent «un climat», un «sentiment» positif éphémère.
Ces politiques, contrairement à ce que l’on dissimule et donc à ce que l’on croit, sont très efficaces pour… maintenir à flots le système bancaire et tenter de reconstituer les fonds propres disparus dans la crise.
Les politiques de soi-disant stimulation sont en réalité des cache-sexes qui dissimulent l’obscénité de la manœuvre. Faire payer aux citoyens, ménages, contribuables, épargnants, le prix de la crise que le couple maudit formé par les banques et les gouvernements ont provoquée.
La propagande des responsables a réussi à faire passer les mesures monétaires qui ont été prises pour des mesures de stimulation. C’est un gros, un très gros mensonge. La Fed n’injecte pas 85 milliards de dollars par mois dans l’économie américaine. Elle achète pour un montant de 85 milliards de titres à long terme, valeurs du Trésor et titres hypothécaires.
Cet argent se retrouve dans le système bancaire et non pas dans l’économie.
Une grande partie de l’argent est conservée par le système bancaire sous forme de réserves excédentaires. Si les banques n’emploient pas cet argent sous forme de prêts, c’est parce qu’il n’y a pas de demande solvable suffisante. Simplement, le système est grippé. La crise est une crise d’excès de dettes, une crise de surendettement. Tous les agents économiques, et maintenant partout dans le monde, on le voit avec la crise en cours des émergents, sont surendettés.
L’erreur de 2009 a été de donner la priorité au sauvetage du système bancaire, au sauvetage des actionnaires et des détenteurs d’obligations des banques.
On n’a pas sauvé l’économie, on a sauvé les banques. Pour être exact, il conviendrait de dire: on tente de sauver les banques. Car il est évident, pour qui regarde et comprend le fonctionnement du système, que ce n’est qu’un répit. Il ne faut pas confondre les facilités que confèrent «les accommodements comptables» et les excès de liquidités avec les vraies solutions.
Comme nous l’avons dit plus haut, à partir du moment où on se refuse au moratoire et aux restructurations, rééchelonnements, le stock de dettes constitue un handicap pour les économies. Les agents économiques voudraient assainir leurs bilans. Ils sont donc frileux. Les responsables de la conduite des affaires essaient de les inciter à prendre des risques, ils manipulent le prix du risque, mais les gens sont raisonnables, ils savent au fond d’eux-mêmes que rien n’est résolu. Ils préfèrent rester prudents
Parmi les erreurs des responsables, il y en a une qu’il ne fallait pas commettre. C’est celle du changement des standards comptables du secteur financier (normes du FASB). En changeant les standards comptables, on a dispensé les banques de fournir des comptes honnêtes, de prendre leurs pertes, de se recapitaliser sérieusement
En dehors d’une opération Vérité très improbable, opération qui consisterait à reconnaître la vraie valeur dépréciée des dettes et créances, il y a très peu de solutions pour retrouver une croissance raisonnable.
L’activité économique d’un pays dépend à la fois des revenus et du crédit. Pendant des années, les revenus salariaux ont stagné, voire régressé en termes réels. Ils stagnent encore. Et ils sont amputés par la hausse du prix des services fournis par les Etats, les impôts. Le phénomène est aggravé par le chômage. L’absence de gain de pouvoir d’achat a été compensée par le recours au crédit. Le recours au crédit est maintenant bloqué pour cause de surendettement.
Quelles sont les solutions? On peut imaginer de favoriser la hausse des revenus salariaux; d’augmenter l’endettement du gouvernement s’il le peut encore; de piller la demande des autres pays en favorisant la baisse de sa monnaie, c’est la carte mercantiliste.
On ne peut monter les revenus salariaux car il y a risque de perte de compétitivité et incidence sur les taux d’intérêt. On ne peut augmenter à l’infini la dette des Etats car ils sont déjà en majorité insolvables. Quant au mercantilisme, tout le monde s’y essaie, ce qui en annule les bénéfices. L’une des choses qui passe inaperçue, mais qui est très grave, est que le consensus, la coopération, qui ont permis de faire face en 2009 ont disparu. Les réunions en «G» ne donnent plus de résultats, les forces dissociatives sont à l’œuvre, partout. Nous sommes dans une phase de fragmentation généralisée, de re-domestication.
On défait l’histoire. Les trente dernières années ont été celles d’un mix qui a débouché sur une catastrophe: innovations technologiques, mondialisation, laxisme monétaire, goût du risque. Le mix se dissocie. Les remèdes sont dérisoires.
La politique qui est suivie, et qui vise à favoriser la constitution d’un «effet de richesse» pour s’opposer à l’appauvrissement réel, est totalement inefficace. Les ménages ne tombent pas dans le piège que leur tendent les banques centrales, ils ne dépensent pas la richesse fictive qui est créée par le gonflement temporaire des cours de bourse. Les agents économiques ne dépensent que les revenus qu’ils considèrent comme stables
La montée des antagonismes, le chômage, provoquent dislocation et délitation du tissu social. La tentation du bouc émissaire refait surface. On joue avec le feu sous cet aspect
En fait, tout le monde est responsable, ou coupable, comme l’on veut. Les gouvernements et les banques centrales ont répondu à une demande sociale qui veut que l’on puisse jouir plus vite tout en faisant moins d’effort. Nous sommes dans des sociétés de moindre effort, de confort, de «convenience», sans autre frein au glissement sur la mauvaise pente, que les crises, lesquelles se produisent lorsque les promesses dont vit et se reproduit le système, ne peuvent plus être tenues.
Ceci signifie que, dans notre conception, les changements, les corrections, ne peuvent être conduits par les «chefs», fussent-ils légitimement élus. Non, le changement ne peut être qu’imposé par la Nécessité, par la Réalité. La situation actuelle se définit, précisément, comme un déni de cette Réalité.
Extraits d’un article de Bruno Bertez
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