La sagesse de l’argent tient dans la combinaison de trois vertus, la liberté, la sécurité, l’insouciance équilibrée par trois devoirs la probité, la proportion et le partage.
Il y a donc une schizophrénie à son égard : fluide indispensable, il peut devenir à tout moment un démon d’où l’inconfort qu’il provoque.
L’argent nous affranchit quand il permet de diminuer la part vénale de l’existence. Alors il devient une passerelle grâce à laquelle nous traversons les moments délicats de l’existence, un chemin de crête étroit entre divers précipices qui s’appellent l’Avarice, la Mesquinerie, le Crime, l’Humiliation, la Fraude et le Mensonge, l’Avidité, l’Arrogance, l’Envie.
La sagesse consiste à le désacraliser, à ne pas l’aimer ou le détester plus que de raison. Il reste un ami tant que nous ne le transformons pas en adversaire, par notre seule faute.
L’argent est en soi une invention si merveilleuse, les avantages qu’il procure sont si évidents qu’il est devenu un droit humain fondamental. Son seul crime est son inégale répartition, concentration extrême qui tue les flux alors qu’il devrait rester une rivière ardente.
C’est pourquoi la raison commande à ceux qui ont beaucoup de mettre leurs surplus au service de ceux qui manquent, comme un trésor qui en fait appartient à tous.
L’argent est une récompense autant qu’une grâce. De lui nous ne sommes pas propriétaires mais usufruitiers. La Fortune, déesse capricieuse, nous a gratifiés de ses bienfaits mais elle peut nous les ôter à tout moment.
Fugacité de toutes choses : telle est la leçon de l’argent qui nous échoit pour nous fuir, ne gratifie les uns que pour les abandonner ensuite dans une alternance de ruines et de résurrections.
C’est aussi la leçon de la vie, si belle mais si fragile, la Fortune n’en est qu’une métaphore : accepter que tout ce qui nous a été accordé puisse être repris.
Il faut rester pauvre dans nos cœurs (Mathieu, 5,3)
D’après le livre de Pascal Bruckner : La sagesse de l’argent
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