[Papier étonnant qui dit à la fois beaucoup de choses justes mais aussi beaucoup de fausses, pour une conclusion ambiguë qui tient sans doute au vécu de son auteur (qui,lui, semble au moins en avoir un). Sans changer le cadre, il n’y a rien à faire, mais le cadre va changer, c’est impératif, alors beaucoup de choses seront possibles.] –alpha.b
Supposée fendre la spirale du déclin, la réindustrialisation de la France par les PME s’invite dans les programmes de tous les candidats, un sujet presque consensuel. Mais ont-elles seulement les moyens d’y répondre ?
Têtes chercheuses de l’emploi de demain, les start-up innovantes sont en première ligne. Beaucoup annoncent des chiffres mirifiques alors que ceux fournis par le ministère de la recherche lequel orchestre chaque année le Concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes sont d’une pâleur à faire frémir.
Depuis 1999, près de 10 000 emplois auraient été créés alors que chaque année 50 000 emplois disparaissent dans la filière industrielle. A haute qualification et forte productivité, ce secteur est peu pourvoyeur d’emploi. Qui plus est, ces entreprises évoluent dans un secteur très concurrentiel.
Dès lors tout développement n’est possible que dans le cadre d’une mondialisation consentie, diminuant par là la perspective d’un large accroissement de l’emploi national.
Les PME industrielles classiques feront-elles davantage l’affaire ? Sauf la chaîne alimentaire peu ou prou sanctuarisée par l’exigence de règles d’hygiène, les autres industries souffrent de l’imparable handicap du surcoût de travail.
Pointée du doigt, la Chine est un commode bouc émissaire alors que tous les pays émergents réclament indistinctement leur dû. Moquant cette faiblesse, beaucoup évoquent la qualité durable dont seraient parés les produits fabriqués dans l’hexagone. Certes l’argument existe mais l’amélioration continue des cercles de qualités et la prédominance des filières scientifiques en Asie pourraient à terme le défaire.
Autre solution, le protectionnisme. Ajoutées aux inévitables mesures de rétorsion, il faudra alors apprendre à payer au prix fort. Dans un contexte de pouvoir d’achat déclinant, qui s’y osera ? Quand on sait à quel point certains rechignent à payer de misérables droits d’auteur, cette orientation semble illusoire.
L’on annonce une grande Banque de développement en faveur des PME. Compte tenu des moyens financiers de la France, même en mobilisant davantage l’épargne, l’apport sera marginal comme le confirme l’appel croissant dans le cas de faillite à des repreneurs étrangers. De surcroît, aucune politique volontariste ne remplacera l’engagement personnel des entrepreneurs.
Par trop fragilisés par la crise, piégées par des trésoreries souvent erratiques, seuls à assumer au final les risques, ces derniers hésiteront à s’aventurer aussi longtemps qu’existera dans la société un climat de défiance à l’endroit de l’enrichissement comme le colporte assidûment certains politiques.
Pareillement le corset législatif ébranle l’esprit d’initiative. Si la simplification des documents administratifs est admise, l’inscription du motif de précaution dans la constitution a fait entrer l’innovation dans l’ère du soupçon. Dès lors, développer une nouvelle technologie s’apparente à un chemin de croix aux innombrables chausse-trappes.
Cette situation aggrave l’inégalité entre les PME et les grandes entreprises. Nées la plupart durant les trente glorieuses, ces dernières n’ont pas connu de telles entraves à leur développement. Aujourd’hui, pour une start-up innovante, le coût de l’accès au marché en France est exorbitant alors que les multinationales françaises en sont souvent exemptées ayant délocalisé une partie de leur recherche dans des pays où le motif de précaution n’existe pas.
Alors que les politiques rivalisent dans les slogans incantatoires, rares sont ceux à être allés au charbon. Car, au delà des discours, la réalité quotidienne d’une PME est une toute autre affaire : travail à la dure, revenus incertains, responsabilités juridiques, hypothèques des succès, beaucoup d’échecs.
Dès lors, pour beaucoup, mieux vaut se fondre dans une entreprise ou une institution à large voilure ! Mieux vaut engranger sans trop de peine les avantages dus aux diplômes, au rang. Et cette situation tend à s’aggraver avec la multiplication d’hommes politiques de droite et de gauche professant le métier d’avocat au bénéfice des mieux lotis. Se muant dans un rapport de force défavorable, les PME font alors difficilement entendre leur voix, raflant laborieusement quelques marchés, jouant au mieux les idiots utiles de la sous-traitance.
Aujourd’hui, les difficultés des PME industrielles sont emblématiques des malaises de la société française. Nullement s’agit-il seulement d’un problème financier mais d’une remise en ordre des priorités, d’une réelle implication des élites et d’une plus grande empathie à l’égard de la création de la richesse durable.
par François de la Chevalerie, entrepreneur Le Monde.fr
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